En cette terre des passions exacerbées, nous serions donc
condamnés à ne supporter que l’insipidité des écrits obséquieux des
thuriféraires attitrés, les complaintes affectées des bigots patentés et les persiflages venimeux des chroniqueurs
insatisfaits!
Tout ce qui se fait est idéal pour les premiers. Les mains
disposées à la claque, le verbe ridiculement précieux, la rime haute, ils chantent à tous les tons les mérites du
cavalier du moment… Ces gens là peuvent, toute honte bue, et selon l’air du
temps, adopter le principe et son contraire.
Ils ont applaudi le socialisme et quand le socialisme fut décrété mort
et enterré, ils ont été les premiers à cracher sur sa tombe pour se faire
chantres du libéralisme hybride qui l’a
remplacé… On les croyait engagés corps et
âme dans le parti unique qu’ils défendaient avec un militantisme zélé et une conviction enragée hors, ne les voilà
t’il pas qui se sont égaillés aux premières secousses qui ont ébranlé l’
unicité de pensée dont ils assimilaient la transgression à un effroyable
polythéisme, pour s’insérer avec un bel entrain dans ce multipartisme débridé,
qui a trouvé brusquement grâce à leurs yeux et qu’ils ont investi
frénétiquement pour se caser dans les chapelles de l’opportunisme, du verbiage
et de la phraséologie… Cherchant, sans trop s’en faire pour son idéologie, la
chapelle qui leur donnera l’illusion de cette grandeur qu’ils n’ont pu acquérir
par les mérites qu’ils n’ont jamais eus et les œuvres qu’ils n’ont jamais
accomplies…
De l’autre côté, les éternels aigris, la plume trempée dans
le fiel de la forfaiture et de la perfidie, l’arrogance hissée en étendard, la
suffisance suintant de leurs rictus éditoriaux, manient le verbe comme d’aucuns
manipulent les fioles de poison… A l’affût de tout ce qui se chuchote ou se
murmure, ils montent les ragots en épingles, comme des mégères sournoises et en
font des montagnes de scandales, n’hésitant pas à inoculer à l’anodin la touche
de sensationnel qui le pimentera pour l’aider non pas à se faire avaler par les
masses lassées par ces traquenards récurrents mais plutôt à se faire exploiter
par les médias du Golfe, du Makhzen et les défaiseurs d’opinion d’un Occident
qui n’ont jamais digéré les grands défis que leur a imposés et leur impose
encore ce peuple imprévisible et rebelle, qui réussit à échapper avec une
désinvolture en bras d’honneur à tous leurs sordides plans de dislocation, de
partition et d’implosion.
Confortés dans l’impunité par leurs employeurs d’outre-mer et
heureux de se faire applaudir leurs coups de gueule comme des toutous fidèles,
soucieux de plaire à leurs maîtres, ces mercenaires de la plume, ne
s’embarrassent d’aucun scrupule pour mentir, médire, diffamer, insulter à longueur de colonnes
dans des journaux devenus littéralement des chevaux de Troie de la subversion
et de la désinformation… rien ne trouve grâce à leurs yeux et tout la
décision algérienne est suspecte, toute la gouvernance est louche, toutes les
valeurs révolutionnaires ne sont que cinéma, toutes les options fondamentales
hypocrisies, toutes les constantes
paralysies tous les discours démagogie, toutes les réalisations du « pipi
de chat », toutes les projections des tape à l’œil… plus politiques que
les politiques, plus revendicatifs que les manifestants qu’ils encadrent, plus
sécessionnistes que les héros surfaits qu’ils inventent, ils se sont tellement
autosuggérés l’infaillibilité qu’ils ont fini par se croire détenteurs de la
vérité infuse…
Ces gens là cultivent les désespérances en croyant défendre
l’espoir… ces gens là diffusent le venin mortel du doute et du scepticisme et
minent chez notre peuple sa juste conviction de sa grandeur pour lui faire
ravaler sa fierté méritée, ces gens là poursuivent par l’arme des mots ce que
leurs maîtres d’hier ont vainement tenté par le cuir des fouets, les crosses
des fusils et la dynamo de la torture…
Il ne vous arrivera jamais de lire dans leurs feuilles
noircies de dérision haineuse, le moindre entrefilet sur nos mérites car nous
n’avons à leurs yeux aucun mérite… leurs journaux sont devenus des recueils de
faits divers de nos méfaits, des murs de lamentations pour nos pleureurs, des
tribunes pour n’importe quel coupeur de route ou amuseur de foules, des
réquisitoires permanents contre nos institutions et nos gouvernants.
Entre thuriféraires et critiques, une autre race de
grenouilleurs exploite le miel fade des premiers et le fiel perfide des seconds
pour rejeter en bloc tout le monde et s’en remettre à Dieu… mais non pas à ce
Dieu de nos ancêtres auquel nous avons toujours accordé notre foi bourrue,
naïve et sincère… non !... un dieu vindicatif qui les aurait pris comme
intermédiaires pour nous montrer le nouveau chemin qui doit nous conduire à sa
félicité… un chemin où la forme prime sur le fond, où le kamis fait le croyant,
où la marque sur le front est exhibée comme certificat de piété, où une
religion universelle est réduite à servir de refuge au clan et à la secte, où
la tolérance d’un Dieu Clément et Miséricordieux a laissé place à l’exigence
des pires tourments ici bas pour une promesse d’Eden dans l’Au-Delà, où la
rapine se justifie par le butin de guerre, où la transgression des lois et le
refus de l’autorité se justifient par l’accusation de mécréance, mais où les
mœurs se font permissives à coups de décrets religieux et où le commerce se fait bazar pour ne pas avoir à rendre
compte de ses pratiques aux antipodes de la morale…
Ceux-ci aussi ont développé l’information qui sert leur
cause… Des imams du qalam font feu de tous bois pour réinstaller les pratiques
médiévales réfutant à la Science ses progrès et incitant au retour vers les
incantations pour remplacer les thérapies modernes et vers les exorcismes pour
rejeter les divans des psychiatres, réinventant Satan pour l’inculper de toutes
nos turpitudes…
Ce peuple si riche de sa diversité ne mérite pas cette presse
qui ne lui donne d’alternative à la
brosse à reluire que la carde qui lui
lacère sans relâche le corps et l’esprit…
Ce peuple est riche de ses poètes qui ne cherchent qu’à se
dire, de ses écrivains qui ne cherchent qu’à se lire, de son histoire
millénaire qui ne cherche qu’à s’écrire…
Ce peuple est riche de son terroir, de ses traditions
culinaires, vestimentaires, architecturales, chorégraphiques qui attendent
d’être reportées…
Ce pays est riche de ses paysages, de sa faune, de sa flore
qui méritent de se faire connaître, étudier et visiter…
Ce peuple est riche de son humour, de sa bonté, de sa
générosité, de son courage et c’est faire preuve de masochisme que d’aller
fouiner dans les coins sombres de son
quotidien pour lui étaler en leitmotiv ses divisions, générer ses révoltes en
puisant sans vergogne dans ses impatiences…
Il est temps de repenser
l’information pour qu’elle serve à construire un pays, non à le miner par ses
silences complices, ses dérives obscurantistes ou ses assauts subversifs…
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