jeudi 2 mai 2013

LES COLONNES DE LA DESESPERANCE



En cette terre des passions exacerbées, nous serions donc condamnés à ne supporter que l’insipidité des écrits obséquieux des thuriféraires attitrés, les complaintes affectées des bigots patentés et  les persiflages venimeux des chroniqueurs insatisfaits! 

Tout ce qui se fait est idéal pour les premiers. Les mains disposées à la claque, le verbe ridiculement précieux, la rime haute, ils  chantent à tous les tons les mérites du cavalier du moment… Ces gens là peuvent, toute honte bue, et selon l’air du temps, adopter le principe et son contraire.  Ils ont applaudi le socialisme et quand le socialisme fut décrété mort et enterré, ils ont été les premiers à cracher sur sa tombe pour se faire chantres du  libéralisme hybride qui l’a remplacé… On les croyait  engagés corps et âme dans le parti unique qu’ils défendaient avec un militantisme zélé  et une conviction enragée hors, ne les voilà t’il pas qui se sont égaillés aux premières secousses qui ont ébranlé l’ unicité de pensée dont ils assimilaient la transgression à un effroyable polythéisme, pour s’insérer avec un bel entrain dans ce multipartisme débridé, qui a trouvé brusquement grâce à leurs yeux et qu’ils ont investi frénétiquement pour se caser dans les chapelles de l’opportunisme, du verbiage et de la phraséologie… Cherchant, sans trop s’en faire pour son idéologie, la chapelle qui leur donnera l’illusion de cette grandeur qu’ils n’ont pu acquérir par les mérites qu’ils n’ont jamais eus et les œuvres qu’ils n’ont jamais accomplies…

De l’autre côté, les éternels aigris, la plume trempée dans le fiel de la forfaiture et de la perfidie, l’arrogance hissée en étendard, la suffisance suintant de leurs rictus éditoriaux, manient le verbe comme d’aucuns manipulent les fioles de poison… A l’affût de tout ce qui se chuchote ou se murmure, ils montent les ragots en épingles, comme des mégères sournoises et en font des montagnes de scandales, n’hésitant pas à inoculer à l’anodin la touche de sensationnel qui le pimentera pour l’aider non pas à se faire avaler par les masses lassées par ces traquenards récurrents mais plutôt à se faire exploiter par les médias du Golfe, du Makhzen et les défaiseurs d’opinion d’un Occident qui n’ont jamais digéré les grands défis que leur a imposés et leur impose encore ce peuple imprévisible et rebelle, qui réussit à échapper avec une désinvolture en bras d’honneur à tous leurs sordides plans de dislocation, de partition et d’implosion.

Confortés dans l’impunité par leurs employeurs d’outre-mer et heureux de se faire applaudir leurs coups de gueule comme des toutous fidèles, soucieux de plaire à leurs maîtres, ces mercenaires de la plume, ne s’embarrassent d’aucun scrupule pour mentir, médire,  diffamer, insulter à longueur de colonnes dans des journaux devenus littéralement des chevaux de Troie de la subversion et de la désinformation… rien ne trouve grâce à leurs yeux  et tout la décision algérienne est suspecte, toute la gouvernance est louche, toutes les valeurs révolutionnaires ne sont que cinéma, toutes les options fondamentales hypocrisies,  toutes les constantes paralysies tous les discours démagogie, toutes les réalisations du « pipi de chat », toutes les projections des tape à l’œil… plus politiques que les politiques, plus revendicatifs que les manifestants qu’ils encadrent, plus sécessionnistes que les héros surfaits qu’ils inventent, ils se sont tellement autosuggérés l’infaillibilité qu’ils ont fini par se croire détenteurs de la vérité infuse… 

Ces gens là cultivent les désespérances en croyant défendre l’espoir… ces gens là diffusent le venin mortel du doute et du scepticisme et minent chez notre peuple sa juste conviction de sa grandeur pour lui faire ravaler sa fierté méritée, ces gens là poursuivent par l’arme des mots ce que leurs maîtres d’hier ont vainement tenté par le cuir des fouets, les crosses des fusils et la dynamo de la torture…

Il ne vous arrivera jamais de lire dans leurs feuilles noircies de dérision haineuse, le moindre entrefilet sur nos mérites car nous n’avons à leurs yeux aucun mérite… leurs journaux sont devenus des recueils de faits divers de nos méfaits, des murs de lamentations pour nos pleureurs, des tribunes pour n’importe quel coupeur de route ou amuseur de foules, des réquisitoires permanents contre nos institutions et nos gouvernants.
Entre thuriféraires et critiques, une autre race de grenouilleurs exploite le miel fade des premiers et le fiel perfide des seconds pour rejeter en bloc tout le monde et s’en remettre à Dieu… mais non pas à ce Dieu de nos ancêtres auquel nous avons toujours accordé notre foi bourrue, naïve et sincère… non !... un dieu vindicatif qui les aurait pris comme intermédiaires pour nous montrer le nouveau chemin qui doit nous conduire à sa félicité… un chemin où la forme prime sur le fond, où le kamis fait le croyant, où la marque sur le front est exhibée comme certificat de piété, où une religion universelle est réduite à servir de refuge au clan et à la secte, où la tolérance d’un Dieu Clément et Miséricordieux a laissé place à l’exigence des pires tourments ici bas pour une promesse d’Eden dans l’Au-Delà, où la rapine se justifie par le butin de guerre, où la transgression des lois et le refus de l’autorité se justifient par l’accusation de mécréance, mais où les mœurs se font permissives à coups de décrets religieux et où le commerce  se fait bazar pour ne pas avoir à rendre compte de ses pratiques aux antipodes de la morale…

Ceux-ci aussi ont développé l’information qui sert leur cause… Des imams du qalam font feu de tous bois pour réinstaller les pratiques médiévales réfutant à la Science ses progrès et incitant au retour vers les incantations pour remplacer les thérapies modernes et vers les exorcismes pour rejeter les divans des psychiatres, réinventant Satan pour l’inculper de toutes nos turpitudes…

Ce peuple si riche de sa diversité ne mérite pas cette presse qui ne lui donne d’alternative à  la brosse à reluire que  la carde qui lui lacère sans relâche le corps et l’esprit…

Ce peuple est riche de ses poètes qui ne cherchent qu’à se dire, de ses écrivains qui ne cherchent qu’à se lire, de son histoire millénaire qui ne cherche qu’à s’écrire…

Ce peuple est riche de son terroir, de ses traditions culinaires, vestimentaires, architecturales, chorégraphiques qui attendent d’être reportées…
Ce pays est riche de ses paysages, de sa faune, de sa flore qui méritent de se faire connaître, étudier et visiter…

Ce peuple est riche de son humour, de sa bonté, de sa générosité, de son courage et c’est faire preuve de masochisme que d’aller fouiner dans les  coins sombres de son quotidien pour lui étaler en leitmotiv ses divisions, générer ses révoltes en puisant sans vergogne dans ses impatiences…

Il est temps de repenser l’information pour qu’elle serve à construire un pays, non à le miner par ses silences complices, ses dérives obscurantistes ou ses assauts subversifs…

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