samedi 6 octobre 2012

LA SOLITUDE D UN HOMME AU GRAND COEUR

CHADLI BENDJEDID est mort ce matin... en hommage à cet homme qui présida aux destinées de mon pays durant plus d'une décennie, je re-publie ce texte que j'ai écrit le 8 Juin 1991, au moment où il devait faire face aux feux croisés des islamistes, des démocrates, des libéraux, des socialistes, des nationalistes, des arabistes et des berbéristes... à l'époque, oser dire de Chadli qu'il avait le moindre mérite pouvait vous exposer à l'ironie mordante de tout le monde et seul un homme comme Abdelkrim Lakhdar Ezzine, digne disciple de Abdelkader Safir, pouvait accepter d'ouvrir les pages de son journal à mon écrit... Il fut dont publié dans Le Chroniqueur... 

Chadli aurait donc capitulé  face à une adversité où les limites de l'absurde et de l'anathème ont été atteintes avec une hargne jamais égalée, par des hordes de mutants conditionnées contre un homme seul.

Chadli est en effet un homme seul...

Il a vu se dresser contre lui tous les "démocrates" qui n'ont pas trouvé autre chose à proposer au peuple que sa tête, eux qui sont (télé)guidés par des messieurs-dames en dessous de tout soupçon, des opposants que paradoxalement il a lui-même libérés des geôles de l'arbitraire et qui n'ont en réalité à lui reprocher que sa conduite du rafiot Algérie vers le large de la Démocratie et de la Tolérance; un rafiot qui s'est fourvoyé sous la conduite d'autrui dans les récifs d'un ordre inique qui refuse de lâcher prise et qui, en même temps, subit les assaut d'un ordre impatient et plus inique qui cherche à prendre prise...

Chadli, en navigateur averti, a réussi malgré les mutineries d'un équipage charmé par tous les chants des sirènes, à mener vers le large le bateau fou, même si, au cours du périlleux voyage, il a failli faire naufrage à de multiples reprises, et même s'il ne paie pas de mine maintenant avec ses mâts perdus et ses haubans qui pendent comme des haillons, après une navigation à vue, le sextant perdu et la barre malmenée... Et Chadli se retrouve seul au gouvernail. Voyant que le bateau allait couler, même ses rats les plus fidèles l'ont vilement abandonné.

Chadli est un homme seul...

Voilà que se liguent contre lui le tortionnaire d'hier et sa victime. Le tortionnaire qu'il a sauvé de la vindicte de sa victime et la victime à laquelle il a retiré les fers... Triste ironie du sort !
Ces revanchards non assouvis, ces staliniens repentis, tous ces aigris de l'Histoire qui n'ont aucun compte à lui demander mais plutôt une reconnaissance à lui témoigner le montrent d'un doigt vindicatif en en faisant le bouc émissaire de tous les déboires dans lesquels ils ont mené l'Algérie.
Et si quelqu'un leur rappelait  par hasard leur ingratitude, ils s'en offusqueraient et diraient que Chadli n'a rien donné à la Démocratie, que tout lui a été arraché par la force de la dialectique de l'Histoire et des "luttes opiniâtres" qu'ils ont menées, oubliant que toute réaction a besoin d'un catalyseur...

Chadli est un homme seul...

Seul face aux tenants d'un exclusivisme de la pensée, de l'action et même de l'apparence, qui appellent forfaiture tout ce qui est opposé à leur conception... Ironie du sort, ce sont ces messieurs qui prônent la plus féroce des dictatures, celle qui s'exerce sur le libre arbitre des gens, qui s'en viennent le traiter de dictateur! ce sont ces illuminés de la dernière éclipse qui, profitant du désarroi d'une société en pleine mutation, viennent renier à Chadli sa foi, sa piété et son nationalisme !... lui, Moudjahid incontesté, entend sous son balcon les appels hystériques au djihad contre sa personne !!!!
Et Chadli personnifie, on ne sait pourquoi, l'image du butoir sur lequel viennent frapper leurs illusions. Quel inconcevable mépris pour la Vérité dont il font pourtant leur crédo ! Voilà que c'est le seul homme politique arabo-musulman qui a eu l'audace de légaliser "l'islamisme" qui se retrouve sous les coups de boutoir de tous les islamistes qui l'accusent d'être "l'ennemi de Dieu"!...
Et bien sûr quand on leur montre les preuves de leur ingratitude, ils rétorquent offusqués que Chadli ne leur a rien donné, que tout lui a été arraché par la grâce de Dieu et des luttes opiniâtres qu'ils ont menées, oubliant que toute réaction à besoin d'un catalyseur...

Chadli est un homme seul...

Seul face à ces nostalgiques de l'unicité de pensée qui n'ont pas encore appris que l'Histoire ne marche pas à reculons. Eux qui se sont accaparés Novembre en en chassant presque tous ses vénérables géniteurs et qui l'accommodent à toutes les sauces de l'infamie en l'agitant tantôt comme opium, tantôt comme bâton...

Ces révolutionnaires d'arrière-garde qui ne conçoivent l'Algérie que comme "garde-manger" et qui, de compromission en compromission, ont fini par se retrouver sur le talus de l'Histoire, en indignes rentiers d'un héritage glorieux qu'ils dilapident avec la légèreté et la prodigalité de ceux qui n'ont pas connu les affres de sa thésaurisation...

Ce sont ceux là qui ne conçoivent Chadli que comme un bélier, tout juste bon à défoncer les portes qui se sont fermées à leurs nez, qui ont si bien appris à grenouiller sous les lambris des palais des congrès dûment protégés par les mitraillettes aux ordres, qui aujourd'hui, ne parviennent pas à s'autogérer et se sentent orphelins dès que la main protectrice du pouvoir se retire de dessus leurs têtes.

Chadli est leur victime propitiatoire qu'ils livrent dans sa cruelle solitude à leurs démons et qu'ils laissent à la merci de leurs adversaires, de peur d'être compromis et de se retrouver seuls dans les champs de bataille électorale qu'ils ont minés mais dont ils feignent de faire accroire que c'est Chadli qui en fut l'artificier.

Chadli est un homme seul face aux girouettes qui regardent venir les vents des changements...

Et quand on leur reproche leur ingratitude envers l'homme qui a permis à tous les masques de tomber, ils répondent offusqués que Chadli n'a rien fait; que tout lui a été arraché grâce à la conscience révolutionnaire des militants et aux luttes opiniâtres qu'ils ont menées... oubliant que toute réaction a besoin d'un catalyseur.

Face à ces trois pôles, Chadli, serein, continue à lutter en se refusant de se laisser griser par la gloire, lui qui a réussi à venir à bout de citadelles qu'on croyait indestructibles.

Chadli va donc partir.

Qu'il aille en paix !

L'Histoire qui n'est pas aussi ingrate que les hommes saura lui réserver, quand toutes les passions se seront tues, une place d'honneur parmi les grands de ce grand pays qu'est l'Algérie.

NOTA: Je n'ai aucune raison particulière de jouer les thuriféraires... et tout le monde conviendra que ce n'est pas le moment, mais vraiment pas, de crier sous les toits: vive Chadli!" ... Il n'y a plus rien à gagner !...













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