mardi 19 mars 2013

TRAGEDIES PROVIDENTIELLES ET EMOTIONS SALVATRICES



Y’a-t-il crapulerie plus immonde que celle de ravir un enfant à sa mère, à son père, à ses frères, à ses copains de jeux ou de classe ?

Y’a-t-il crapulerie plus immonde que celle d’assouvir ses bas instincts sexuels sur un corps frêle, innocent et incapable de résister ou de fuir ?

Y’a-t-il crapulerie plus immonde que celle d’étrangler un ange et de jeter son corps désarticulé dans le puits de sa forfaiture ?

Et y’a-t-il plus démagogique réaction que celle qui appelle à la réserve et à la raison tous ceux qui, étranglés de colère et de révolte, crient vengeance à la place des victimes et de leurs parents et amis qui ne les reverront plus,  et dont la consternation n’a d’égale que l’incompréhension face à cette barbarie ?

Y’a-t-il plus vilain opportunisme que celui de ces faux révoltés qui exploitent la détresse du peuple pour détourner les colères légitimes, en faisant des tremplins à leurs agendas politiques ?

Mais, au-delà des drames que vivent les familles, l’actualité nationale qui focalise depuis quelques mois sur ces tragédies est une aubaine…

Aubaine pour l’homme politique car elle permet de faire diversion aux  impasses dans lesquelles il s’est fourvoyé et fourvoyé le pays pour cause d’une gestion au jour le jour, sans vision et sans âme, sans morale et sans conviction… impasses dont ces crimes sont quelque part une résultante…

Aubaine pour les prédateurs qui peuvent se faufiler derrière les masses criant vengeance et faire oublier que l’amoralité qu’ils ont favorisée par leur cupidité est quelque part, elle aussi, une des causes de ces crimes…

Aubaine pour les faux dévots de la religion wahabisée qui peuvent jubiler en mettant sur le compte des hérésies ces pratiques alors qu’elles ne sont que les conséquences de leur conception d’une foi  qui s’oppose hardiment à la Loi au nom de la prépondérance du dogme dont ils font commerce, sur le réel dont ils tirent profit…
Aubaine pour une presse à sensation que rien ne rebute et qui s’est si bassement mercantilisée qu’elle a fini par croire que l’honneur de la profession n’appartient qu’à ceux qui s’abaissent pour le ramasser…

Aubaine pour des pays qui, pour échapper aux banqueroutes sociales et financières qui se profilent, se sont faits redresseurs de torts et qui, de derrière leurs lorgnettes épient les soubresauts et à l’aide de leurs sous-traitants locaux, tisonnent les feux des bouillonnements populaires sur lesquels ils misent pour affaiblir les pays qu’ils veulent mettre sous leur botte en leur créant de sanglants « printemps » artificiels…

Aubaine pour les politicards professionnels qui vont de redressements en redressements juste pour donner l’illusion du mouvement à des formations politiques ankylosées et engluées dans les loufoques combats de leadership et les luttes intestines et qui s’assurent un répit sans gloire en profitant des grosses fébrilités sociales que génèrent les tragédies…

Aubaine pour les analystes en tout genre qui peuvent donner libre cours à leurs logorrhées discursives sur ces infamies qu’on découvre avec des yeux horrifiés alors que c’est un phénomène de société aussi présent dans nos mœurs que le sont certains de nos atavismes hilaliens… 

Mais terrible illusion que celle de tout un peuple qui, au nom de la protection de ses enfants, crie haro sur ceux qui sont coupables de les lui ravir aussi perfidement, en oubliant seulement que ces ravisseurs dont il croit se débarrasser en exigeant qu’ils soient pendus haut et court ne sont eux-mêmes que… ses propres enfants !

Terrible illusion aussi, que celle qui fait croire qu’on peut éradiquer un cancer métastasé en s’arrachant le membre le plus touché, sans savoir qu’un corps social trop profondément atteint ne peut survivre sans un traitement en profondeur…

Mais, pourquoi ne pas le reconnaître, cette levée de boucliers d’une société qui en a pourtant vu d’autres en matière d’atrocités, n’est elle pas un signe évident d’une belle prise de conscience,  salvatrice par les débats qu’elle suscite, les controverses qu’elle alimente, les passions qu’elle allume, les questionnements qu’elle pose, les tabous qu’elle dévoile ?...

C’est l’émotion suscitée par la découverte du cadavre du fils de Charles Lindbergh le 12 mais 1932 qui a poussé la Société Américaine à faire du rapt d’enfant un crime fédéral passible de la peine de mort,   dont fit les frais Bruno Hauptman qui en fut reconnu coupable, même s’il clama son innocence jusqu’à sa mort sur la chaise électrique 4 ans plus tard…

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire