
Mon exigence pour la vérité m'a elle-même enseigné la beauté du compromis.
Gandhi
Il y’a beaucoup à dire sur ces consultations politiques confiées à Bensalah, Boughazi et Touati et qui voient défiler laborieusement les cadavres politiques et autres fossiles du néolithique, s’ébrouer les pachydermes du jurassique, discourir les acteurs des tragédies sociales, gesticuler les clowns de nos comédies et s’affairer les trabendistes de la politique…
Quand Monsieur Bouteflika a lancé ces joutes, on a d’abord trouvé à redire sur les personnalités chargées de les mener… la critique étant aisée en la matière car tout homme est contestable, hormis feu le Dr Mohand Issaad et le regretté M. M’hamed Yazid maintenant qu’ils ne sont plus ou Ali Mahsas et Rachid Mekhloufi maintenant qu’ils n’en peuvent plus ou n’en veulent plus… les « personnalités » politiques dont certaines n’ont réussi à se doter d’une aura que grâce à ce que Lakhdar-Ezzine appelle une « presse de caniveau » ne s’en sont pas privés, allant chercher dans le passé de ces trois hommes, dans leur appartenance politique ou institutionnelle etc… les griefs de leur disqualification. Cette absurde approche qui privilégie la forme sur le fond est en réalité une manière d’échapper à l’épreuve de vérité en récusant non seulement l’adversaire mais aussi l’arbitre et les traceurs des lignes du terrain de la confrontation… des idées.
On a ensuite longtemps disserté sur les motivations qui ont poussé le Président à organiser ces consultations, les imputant aux émeutes de janvier et aux bouleversements que connaît la sphère dite « arabe » du fait de l’ineffable « printemps » du même nom. Comme si le fait de répondre aux pulsions de la rue revêtait un caractère de perfidie politique et non un acte de gouvernance éclairée… On ne défend plus en l’occurrence l’opportunité de la réponse donnée par le président de la République à la protestation populaire mais le fait même que ce pouvoir ait répondu aux interpellations et aspirations qu’il aurait lues dans ces mouvements populaires… et certains de ceux qui accusaient ce pouvoir de ne pas prendre le pouls du peuple avant de décider pour lui, lui font aujourd’hui grief de l’écouter et de réagir en tenant compte de ses requêtes et de ses réserves… Il avait bien raison Coluche, cet « hommes politique » atypique qui disait de ceux qu’il savait si bien singer : « La moitié des hommes politiques sont des bons à rien. Les autres sont prêts à tout. »
A moins d’être une manœuvre sournoise de récupération de ces révoltes et non une volonté de satisfaction des revendications qu’on lui prête l’idée de véhiculer, cette méga-consultation, donne pourtant, par le choix des consultés, le plus flagrant des démentis à cette prétendue raison de cause à effet entre les deux faits… Mais si récupération il y’a, le « pouvoir » n’a pas à être le seul incriminé parce que tous les « invités » qui se sont présentés chez Bensalah ou qui l’ont boudé représentent la classe politique qui a exercé le pouvoir ou cautionné ses dérives, en participant à ses politiques pour les dividendes ou en s’y opposant pour la forme. Ces gens-là ne représentent en aucune manière les masses juvéniles sorties en janvier crier leur ras le bol de tout ce personnel politique obsolescent grouillant aussi bien dans la majorité que dans l’opposition… et contester peut-être moins le pouvoir que cette opposition totalement amorphe et qui ne s’oppose que pour s’opposer à ce pouvoir qui fait « ce qu’il peut » ; une opposition qui ne sait réagir que pour critiquer car elle n’a ni la capacité, ni la volonté de proposer une quelconque alternative crédible hormis pour certains de ses ténors, des rhétoriques fumeuses, destinées aux observateurs-censeurs d’outre-méditerranée, bien plus qu’à la consommation interne.
Ben Bella, Chadli, Kafi, Ghozali, Sifi, Redha Malek, Mehri et d’autres caciques de la pensée unique qui se sont découverts les vertus de la démocratie n’ont aucune raison de faire croire que les émeutes et la contestation ne concerneraient que l’actuelle composante du pouvoir et non tout le système qu’ils ont mis en place, chacun apportant une pierre à l’édifice… Il ne manquerait plus que Ouyahia, Soltani et Belkhadem, eux aussi, pour dire qu’ils sont là uniquement pour faire respecter la volonté des émeutiers, réduisant le « système » décrié au seul président de la République qui, en réalité est le plus acharné destructeur de ce système, prenant sur lui le risque de passer pour autocrate en refusant de confier cette tâche à ses bâtisseurs dont l’histoire nous a appris qu’ils n’en contestent les options que quand ils se font évacuer de la table du festin…
Quand un Kafi, qui devrait tourner sept fois la langue avant de parler car il va finir par dilapider tout son capital sympathie à force de bourdes, affirme qu’il refuse de rencontrer Bensalah parce qu’il est convaincu que « le pouvoir n’a pas de volonté de se réformer » et « veut seulement gagner du temps » en organisant un « simulacre » de consultations, on devrait entendre le peuple étouffer un grand rire… Connaissant les principes et les options de cet homme depuis sa villégiature libanaise des années 70 à son éphémère intronisation forcée à la tête du Haut Conseil d’Etat, on croirait voir et entendre Raymond Devos, la prestance et l’humour en moins, dire entre deux grognements : "Vous voudriez que je fasse comme tous ceux qui n'ont rien à dire et qui le gardent pour eux? Moi, lorsque je n'ai rien à dire, je veux qu'on le sache ! Je veux en faire profiter les autres."
En réalité, comme Kafi, nombre d’autres invités qui refusent de manière hautaine l’invitation de Bensalah ne le font que parce qu’ils n’ont, eux aussi, absolument rien à dire… ou si peu ! A l’image d’un Mehri qui se croit en devoir non pas de défendre ses propres options car il les a épuisées mais, paternalisme et opportunisme obligent, de revendiquer l’inclusion des islamistes, comme pour bien montrer peut-être que Sant Egidio fut pour lui un choix de principe et non un exercice risqué de voltige politique…
Mais à voir tout ces dignitaires sortis de leur confortable léthargie étaler leurs scepticisme ou leurs incohérences faute de présenter leurs propositions, on se prend à douter de l’issue de ces consultations auxquelles on ne peut qu’appliquer la belle sentence de Churchil: groupe de personnes incapables de faire quoi que ce soit par elles-mêmes et qui décident collectivement que rien ne peut être fait !...
On se demande aussi comment des gens qui ont mené de front un combat libérateur de plus de 7 ans puis qui se sont partagé les responsabilités dans la gestion du pays durant plus de 3 décennies n’aient pas, par principe comme par simple « habitude », développé dans leurs têtes et dans leurs reflexes le même projet de société et s’en viennent aujourd’hui en rangs dispersés, théoriser chacun à sa manière sur la meilleure manière de concevoir l’avenir institutionnel et constitutionnel de l’Algérie… Ah qu’elle est loin la déclaration de Novembre et que sont loin les principes directeurs du Congrès de la Soummam ! et même si elles n’aboutissent à rien, ces consultations lancées par le Président de la République, nous auront permis, au prix d’une autre désillusion, de mesurer l’incroyable supercherie par laquelle des messieurs que rien n’unissait en politique, nous faisaient croire à un programme commun soutenu par une unicité de pensée et de méthode pour nous faire atteindre un objectif commun… Merci Monsieur le Président de nous avoir permis, grâce à ces consultations, de mesurer de la bouche même des acteurs de l’Histoire de notre galère, que si le radeau Algérie a fait du surplace c’est parce que ses membres d’ équipage ramaient chacun à son rythme et dans la direction qui lui semblait propice…
Nous aurions tant aimé voir Nezzar, Haroun, Malek et Kafi se présenter en groupe, la pensée de Tedjini Haddam les accompagnant, pour défendre comme un seul homme l’option républicaine pour laquelle ils s’étaient engagés hier, et non en individus portant chacun en bandoulière ou en jugulaire ses propres visions ou ses préjugés faute de disposer d’idées…
Nous aurions tant aimé voir Hamrouche et ses jeunes loups réformistes étaler devant Bensalah, Boughazi, Touati, le Bon Dieu est Ses Hommes, la conception de la gouvernance dont ils nous assuraient la main sur le cœur de la justesse de l’efficacité et de l’inéluctabilité…
Nous aurions tant aimé voir Ouyahia, Belkhadem et Soltani bras dessus bras dessous, défendre l’opportunité des options qu’ils devaient avoir trouvées conformes avec leurs propres aspirations au point de s’unir dans leur soutien au Président de la République et de se coaliser pour défendre son programme…
Nous aurions aimé voir Sadi et Ait Ahmed, même en refusant de s’asseoir avec le trio présidentiel, étaler sur les pages centrales des journaux qui leur ont conféré l’importance politique qu’ils n’ont pu arracher aux urnes, les programmes alternatifs ou complémentaires qu’ils prétendent posséder pour nous assurer cette gouvernance idéale qui nous ferait oublier les inconséquences du « pouvoir-régime-système » auquel il veulent faire rendre gorge…
Nous aurions bien voulu ne pas voir du tout Chalabia Mahdjoubi, Khaled Bounedjma et bien d’autres parasites de la démocratie qui ont dévalorisé la politique et enlevé toute noblesse à l’engagement politique. Ces gens là n’ont rien à dire et même en ne disant rien ils n’ont déjà que trop dit !
Hélas ! Tout ce beau monde d’opposants qui n’ont réussi ni à abattre le système ni à s’assurer la sympathie du peuple et qui semblent trouver leur confort dans une contestation cyclique parasitant plus qu’elle n’accompagne les mouvements populaires sporadiques, n’a fait que décrédibiliser la noble mission de la véritable opposition qui doit représenter une opportunité alternative réelle, une balise efficace contre errements et dépassements et une force de proposition qui sait se faire écouter…
En effet, l’ opposition hétéroclite qui pollue notre quotidien oppose plus et mieux, entre eux, les gourous et les ubus qui la gèrent, qu’elle ne s’oppose au pouvoir accusé de la brimer et de la brider … Elle ne s’embarrasse pas de flirter indécemment avec les aigris et les exclus du « système » démontrant ainsi plus un souci de revanchardisme de bas étage qu’une contestation constructive des choix politiques, sociaux ou économiques des forces exerçant le pouvoir de fait ou de droit.
Experts dans l’art de brouiller les cartes et de couper les cheveux en quatre nous faisons peut-être encore une fois fausse route en établissant un faux diagnostic…
Ce pays n’est pas malade de son pouvoir autant que de son opposition… Et Monsieur le Président serait bien inspiré d’ordonner à la Commission Bensalah de demander aux personnalités qu’elle invite de suggérer leurs meilleures méthodes non pas pour rendre plus juste et plus représentatif le pouvoir mais… comment asseoir une opposition plus crédible et plus efficace…
C’est une lapalissade que d’affirmer en effet que toute gouvernance ne tire sa force que de la force de ses contradicteurs !
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