mercredi 27 juillet 2011

RAMADHAN, UN REPIT TONITRUANT


Le Ramadhan est là…

Le pays va plonger pour un mois dans une ambiance exceptionnelle avec des rites, des mouvements, des sons et des senteurs totalement différents du reste de l’année.

Le laborieux enchaînement des mois dont la monotonie n’était dérangée que par les différences climatiques s’arrêtera pour laisser place à une période transitoire durant laquelle le jeune ne sera qu’un prétexte à toute une révolution des mœurs et des habitudes, un peu comme si la terre devait arrêter sa rotation, enclencher une autre vitesse et prendre une autre orbite pour un mois.

Les rues algériennes, habituellement les plus bondées aux heures de travail et les moins animées aux heures de repos connaitront un calme matinal qui précédera la tempête en soirée. Les étals d’objets hétéroclites feront place à une foire nationale aux fruits, légumes, sucreries, limonades et à tout ce qui se rapporte de près ou de loin aux besoins du ventre. Les bousculades généreront les empoignades et la réclame assourdissante des vendeurs se mêlera aux récriminations des passants devant les avertisseurs des automobilistes… bref, ce sera le souk en permanence.

Dans les administrations et ce qui reste du tissu économique, les cartons s’étaleront dans les coins frais pour recevoir les corps amorphes des jeûneurs rendus encore plus flasques par les veillées, le manque de nicotine ou de caféine et la surcharge hépatique résultant des bouffes du f’tour.

A la nuit tombée, après que le jeune soit cassé dans les slurpreries de la chorba et les glouglou des sodas, la ville comme les villages connaitront les longs tarawihs qui auraient pu être de grands moments de communion si on les avait laissées à la douceur de la voix des imams sans la faire porter par les crissements, grésillements et nasillements des mégaphones, toujours mal réglés et qui devraient inciter Ghoulamallah à nommer dans chaque mosquée un ingénieur du son pour ne plus commettre cet acte sacrilège de parasiter le verbe divin…

Le Ramadhan, qu’on le veuille ou non, qu’on le dise ou non, constitue une formidable évasion collective… la bouilloire sociale s’y retrouve sans couvercle et toutes les énergies latentes qu’elle comprimait se retrouvent libérées dans une sorte de grand geyser, un peu comme un séisme de forte magnitude ou un volcan libérerait les énergies telluriques trop longtemps contenues. L’administration qui prétend le régenter est d’une prétention qui prête à rire… Devant le torrent impétueux qui déferlera sur le pays, les interventions de ses contrôleurs des prix, de la qualité, des impôts etc… ne changeront rien à la donne de ce mois de l’abstinence et des interdits où tout sera paradoxalement permis…

Un mois durant lequel les ostensibles manifestations de piété que ponctuent les innombrables restaurants de la foi ne pourront jamais éclipser l’inévitable bilan tragique en accidents de la route, en homicides pour des futilités, en rixes et bagarres et en intoxications alimentaires…

Mais c’est un mois qui nous permettra de ne plus avoir à subir nos hommes politiques, de la majorité comme de l’opposition, des rodomontades des ministres aux gesticulations des redresseurs du FLN, des gros coups de gueule de Louisa Hanoune aux sorties faxées de Ait Ahmed, des écrits lassants de Benbitour aux marches d’Ali Yahia, des rhétoriques fumeuses de Said Sadi aux incohérences de Chalabia Mahdjoubi, car comme tous citoyens, nos hommes politiques aussi ont l’habitude de mettre un bémol à leur verve en ce mois où l’esprit est plus porté vers les choses du ventre que vers les arts discursifs et les coups feutrés de l'escrime politique …


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