Qui peut dire quand nos premiers ressorts se sont
cassés ?
Qui peut dire aussi quand s’arrêtera notre descente aux
enfers et surtout par quels moyens nous arriverons à infléchir notre tragique
et incompréhensible tendance à l’autodestruction ?
Comment expliquer qu’un peuple qui disait que la propreté
était partie intrinsèque de la foi, soit devenu si peu regardant à tout ce qui
pollue son pays alors qu’il fait si obséquieusement preuve de bigoterie?
Comment comprendre qu’un peuple qui considérait le pain
comme sacré, puisse aujourd’hui le donner au bétail par chargements entiers de
semi-remorques ou le jeter sans état d’âme, parmi les couches bébés, les arêtes
de sardine et les coquilles d’œufs dans les poubelles ?
Souvenons-nous… Il n’y a pourtant pas si longtemps, quand
on laissait tomber par inadvertance un crouton de pain ou un morceau de
galette, comment on les ramassait avec délicatesse et comment on les embrassait
pour leur demander pardon d’avoir été peu attentionnés envers eux, avant de les
manger ou de les déposer dans un lieu propre pour qu’ils servent de nourriture
aux chats ou aux oiseaux et regardons cette régression très peu féconde qui
nous fait voir à tout bout de champ du pain blanc nourrissant les rats…
Souvenons nous du brave garde-champêtre d’antan qui, sans
armes, faisait régner l’ordre et la discipline, empêchant les enfants de
martyriser les mûriers des bords de rue, et dispersant du crézyl sur les
sardines quand sonnait onze heures du matin sans se faire supplier ni soudoyer...
et comparons un peu avec ces poissonniers d’aujourd’hui qui courent nos
quartiers à toute heure, couverts d’un nuage de mouches…
Regardons ce que nous sommes devenus et dans quelles
conditions nous acceptons d’évoluer…
égouts éventrés, immondices entassés sous nos fenêtres et dans les
espaces où s’ébattent nos enfants, bouteilles en polyéthylène jonchant même nos
jardins publics, sachets noirs volant au vent comme lugubres corbeaux, chiens
errants squattant impunément nos rues, rats grassouillets évoluant à leur aise
entre nos poubelles…
Très prompts à exiger nos droits en fermant les routes ou
en désertant nos postes de travail, nous satirisons sur le mot volontariat et
considérons les « campagnes d’hygiène » comme loufoque démagogie.
Notre taghannant séculaire s’est encore accentuée par
l’effet de notre déresponsabilisation héritée d’un socialisme castrant qui nous
disait, pourvu que nous fermions nos g…,
que le travail est un droit et non un
devoir, qui parlait de partage de la rente et non de sa création, qui
prétendait tout nous planifier, ne nous laissant aptes à assumer que les seules
fonctions biologiques : manger n’importe comment et déféquer n’importe où.
Et quand ce socialisme de la mamelle fut abandonné, c’est
un autre système hybride qui est venu le remplacer : celui de l’apparente aisance gadgétisée par tout ce
que l’occident et l’orient produisent en bibelots que nous importons par
pleines cargaisons et qui viennent colorer nos étals pour un temps pour
surcharger ensuite nos décharges pour toujours…
Ce « libéralisme » débridé ne semble nous avoir
été imposé que pour que nous servions de réceptacle aux trop-pleins d’ailleurs.
Nos professionnels de l’import-import, courant d’Istambul à Pékin pour nous
ramener les tissus bas de gamme, les jouets débiles, les cosmétiques aux
formules douteuses, les gadgets électroniques de contrefaçon jusqu’aux voitures
et camions hors normes…
Faut-il alors s’étonner, dans ce pays devenu un vaste
dépotoir, de constater, outre l’hécatombe routière conséquente aux défauts de
fabrication, la recrudescence
vertigineuse de toutes les pathologies que nous ne connaissions presque pas, de
l’asthme et des maladies allergogènes au diabète, à l’hypertension et aux
autres maladies à causes alimentaires, aux cancers de différents types que nous
inoculent tous ces produits non contrôlés, toutes ces nuisances auxquelles nous
sommes soumis ?
Aujourd’hui ce n’est plus la sirène d’alarme qu’il faut
tirer… C’est la forme de gouvernance qu’il est impératif de changer et la prise
de conscience populaire qui doit absolument s’imposer à tout le peuple car le
péril en la demeure, toute la demeure,
n’est plus potentiel mais patent…
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