mercredi 17 avril 2013

LA REFORME DE L’ECOLE : UNE GAGEURE.


L’Ecole algérienne est aujourd’hui incontestablement sinistrée.

Livrée aux replâtrages que chaque ministre se fait un devoir de lui administrer sous le nom de réformes, elle ne sait plus quel programme enseigner, quelle méthode utiliser et surtout quel but elle vise.

Les traitements qu’elle subit sous la férule de ministres rebouteux  ne s’avèrent que cautères sur jambes de bois ; livrée à la médiocrité, cette école est aujourd’hui boudée par les enfants de ses propres servants qui voient en elle une pourvoyeuse de bras cassés ou, dans le meilleur des cas,  d’heureux lauréats auxquels elle n’aura fourni qu’un simulacre de connaissances sans consistances ni utilité mais qui auront désappris morale et éducation au contact de tout ce qu’elle renferme comme fléaux  qui ont pour noms tabagisme, drogue, intolérance  et perversions en tous genres…

Ses servants ont été recrutés pour la plupart  parmi ceux qu’elle a éjectés car pendant des décennies, l’enseignant était le moins gâté de tous les salariés, au point où on le donnait comme un exemple de misère. L’enseignement était alors le réceptacle de tous ceux qui n’avaient pu trouver une quelconque réussite sociale ou professionnelle ailleurs. L’élève avait généralement en face de lui un maître frustré qui avait été contraint de se faire dispensateur du savoir sans avoir ni la vocation ni la formation pour un métier si délicat : celui de modeleur d’esprits malléables à merci… Ce maître, pour se venger de cette école qui n’a pas su l’adopter, a fait de ses élèves des citoyens à son image : asociaux,  affairistes pour les besoins de la cause et les nécessités vitales et surtout rebelles à l’ordre et peu confiants en l’utilité même de ce qui leur était inculqué… ce qui a relativement sauvé l’école d’un naufrage programmé, fut l’insertion en masse de la femme dans ses rouages. Prédisposée à ce métier, elle assura un enseignement plus consciencieux et plus généreux en puisant dans ses réserves de stoïcisme, de sagacité et d’humanisme.

Cette situation n’a épargné aucun pallier parce que l’enseignant, qu’il fut instructeur, professeur ou maître de conférence n’avait ni statut, ni considération…

Mais le mal ne venait pas que des acteurs directs que sont les enseignants… l’école était administrée à l’emporte pièce par des fonctionnaires sans pouvoirs ni moyens, qui géraient les infrastructures et les hommes par leur seul volontarisme. La discipline était alors à l’image des lieux : toilettes sans entretien, cours délaissées, carreaux brisés… l’entretien et les dotations des écoles en moyens étant du ressort de la municipalité, celle-ci n’en faisait jamais sa priorité, laissant des établissements sans clôture, des classes sans fuel en plein hiver et des toits sans étanchéité, livrant les élèves aux rigueurs du climat et même à la menace des chiens errants…

A ce décor pas très reluisant pour un institution sensée dispenser la rigueur et l’esthétisme dans une ambiance de propreté et de sérénité, se sont ajoutées les errances des stratèges en tous genres qui, pour passer le temps ou pour montrer qu’ils avaient de la suite dans les idées, pondaient de nouvelles mesures pédagogiques à chaque rentrée augmentant à chaque année le poids du cartable dans la même proportion où ils diminuaient le savoir des écoliers et réussissant à abrutir des générations avec des programmes débilisants.

La conjonction de tous ces facteurs a eu pour effet de créer une école-laboratoire qui forma des zombies refusant l’autorité parentale et contestant les règles de discipline sociale. Le résultat est connu…

Dans un sursaut tardif, l’administration eut le réflexe de redorer le blason du maître pour redonner à l’école son importance et sa noblesse… elle se soucia parallèlement de réorganiser la prise en charge de la gestion de l’infrastructure et de l’élaboration des programmes…

Le salaire des enseignants quintupla littéralement en quelques années. Les écoles furent réhabilitées par des opérations spéciales et la rigueur fut instaurée dans leur gestion… les programmes furent revus et corrigés et on introduisit même, à assez appréciable échelle les nouvelles techniques de l’information que la plupart des élèves maîtrisent bien mieux que leurs maîtres car ils s’y sont investis en dehors des classes longtemps fermées aux ordinateurs et qui, sans se soucier des bouleversements que connait le monde en la matière, continuent encore à utiliser l’ardoise à l’ère des tablettes électroniques…  

Mais il est aléatoire de penser que quarante années de désinvolture, de bricolage et d’empirisme peuvent être corrigées par la seule injection de fonds, les marques de bonne volonté et les vœux pieux… Le mal de l’école algérienne est devenu systémique et elle ne pourra être sauvée que par l’adoption de mesures radicales, ce qui, à l’évidence, n’est pas dans les cordes des responsables qui ont leur part de responsabilité dans le marasme qu’elle vit et qui n’ont pas le courage politique de recourir à de vraies réformes et qui vont se contenter de réformettes vite dépassées par le temps ou outrepassées par un personnel peu enclin au changement et qui, conscient de sa puissance en ces temps débridés des bras de fer,  n’arrête pas de montrer ses biceps dans des grèves récurrentes où il ne réclame pas des conditions idoines de travail autant que l’amélioration de son salaire car l’appétit lui est venu en mangeant…

La révolution salvatrice qu’attend l’école ne peut être menée aujourd’hui, compte tenu aussi des résistances que manifesteront les forces politiques extérieures largement dominées par les idées rétrogrades et très largement représentées par les enseignants, car si l’école n’a pas réussi à développer le niveau de l’instruction de ceux qui la fréquentent, elle a été au-delà des espoirs de tous les modulateurs de conscience en les aidant à créer des moutons disposés à suivre tout Panurge faisant commerce de la langue, de la foi, de l’identité et depuis quelques temps, du régionalisme…

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