mercredi 22 mai 2013

OU VA… LA TUNISIE ?



 Comme L’eau et le feu, la politique doit absolument être gérée et maîtrisée pour ne pas engendrer des catastrophes… C’est pour ça que les pouvoirs temporels doivent lui prévoir balises, garde-fous et codes de conduite et l’empêcher, sous peine de crises fatales de se revendiquer du pouvoir intemporel, car par ses imprécisions et la profusion de ses interprètes, ce dernier permet de faire les lectures qui arrangent le mieux les intérêts ou les pulsions de ceux qui lui font obédience ou qui, suprême prétention, en arrivent à prendre sa défense…

Tout comme une eau qui n’est pas canalisée ou un feu qui n’est pas surveillé, un mouvement politique qui est livré à lui-même dépasse inévitablement ses limites, déborde fatalement ses initiateurs et finit, en se nourrissant de ses propres surenchères, à s’amplifier à la démesure, bousculant sur son passage ses principes initiaux, développant même à leur encontre une adversité beaucoup plus féroce que celle qu’il vouait à ses ennemis traditionnels dont il affirme s’être constitué en contrepoids pour en juguler l’influence ;  juste pour ne pas avouer qu’il s’est imposé rédempteur  pour les exclure d’un paysage politique qu’il ne peut concevoir que monochrome…

Ce qui est vrai pour le particularisme religieux en politique l’est aussi pour le particularisme racial, linguistique ou culturel.

En politique comme en toute chose, il n’y a pas de génération spontanée… Un mouvement nait ou dérive toujours d’un autre et très souvent lui succède en effectuant   ce qu’on pourrait appeler un parfait « particide »…

Le FIS en Algérie est le rejeton d’une tendance bigote du FLN… les mouvements violents qui lui ont succédé proviennent tous de son giron… et le drame en la matière, c’est que chaque nouvelle génération d’exaltés se fait forte, non pas de tempérer les ardeurs héritées de son géniteur mais de s’efforcer à les renforcer car il est dans la logique des mouvements exclusivistes de surenchérir dans l’extrémisme…

Il en aurait été  du FIS comme d’Ennahda mais l’Algérie n’est pas la Tunisie et la conjoncture du siècle dernier n’est plus de mise…  

Le parti de Ghannouchi qui affiche aujourd’hui des volontés de démocratisme  pour montrer ses bonnes dispositions à une communauté internationale seule capable de lui garantir les possibilités de gouvernance, très limitées par les contraintes moralisantes qu’il a dû revendiquer pour mieux mobiliser,  se retrouve pris au piège de ses surenchères. Il  doit oublier ses griefs contre les ennemis qui lui donnaient du blé à moudre pour ses prêches car un front autrement plus fatal, sorti de ses flancs, s’est ouvert dans ses propres plates bandes pour lui faire rendre gorge devant ses louvoiements et ses hésitations que ses soldats acharnés considèrent comme un déviationnisme… Il se doit aujourd’hui de ramener à la raison les extrémistes de sa mouvance  qui ne comprennent plus comment ce parti qui a toujours prêché  l’irréductibilité, se retrouve à troquer son gant de fer contre un gant de velours  et à vouloir traiter avec ceux contre lesquels il  n’a jamais cessé de mettre en garde : laïcs, athées, socialistes… et toutes les autres composantes de la société dont il n’a jamais arrêté de présenter les différences autrement que comme hérétiques adversités...

Mais si pour la mouvance religieuse algérienne il y’eut un sursaut salutaire  qui a réussi au prix d’une incommensurable tragédie à démontrer, par une résistance acharnée d’un peuple et d’un Etat  que le  projet exclusiviste n’est qu’un vœu trop pieux pour être réalisable,  le pouvoir ou ce qui en reste, en Tunisie (et en Egypte), n’a retenu du drame Algérien que la peur de se voir projeté dans la confrontation…

Ne pouvant s’opposer frontalement aux islamistes soudés par les années d’activisme underground qu’il tolérait pour faire capoter tout projet démocratique, ce pouvoir oligarchique nécrosé abdiqua sans laisser d’alternative susceptible de contrebalancer la déferlante intégriste. Convaincue  par les stratèges imberbes d’outre méditerranée et les prêcheurs de tous poils d’un wahhabisme devenu très entreprenant, que la théocratie politique pouvait se dissoudre dans la démocratie ou être réduite par sa mise à l’épreuve, un peu comme le soutenaient chez nous certains adeptes de la régression féconde, les forces sociales (et les forces armées) furent tentées de jouer le jeu…

Elles se retrouvent aujourd'hui prisonnières d’un cruel dilemme…  choisir entre l’expectative suicidaire face au chaos d’une guerre islamo-islamiste qui plongera le pays et la sous-région dans une instabilité politique, sociale et économique dont il est facile de deviner l’ampleur, la durée et les dégâts ou défendre paradoxalement une légitimité  républicaine incarnée par ceux là mêmes qui déclarent la démocratie kofr et qui n’ont accepté de jouer son jeu que parce qu’ils savaient le pouvoir à portée d’urne, en respect d’un de leurs principes les plus opportuniste qui légalise les moyens pour aboutir à une fin désirée : « li edharourati ah’kam ! »…

Il reste bien sûr une troisième alternative : celle du pronunciamento et du recours à l’ordre kaki pour en finir avec le désordre en kamis… et il n’est pas certain qu’elle soit vue d’un mauvais œil par un peuple qui a eu tout le loisir de comprendre que la liberté débridée ne fait pas autant le lit de la démocratie que celui de l’absolutisme ou de l’anarchie…

C’est peut-être le moindre mal qui attend la Tunisie.


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