6 Avril 2011
La chronique rapporte depuis quelques jours un fait tout à fait nouveau dans nos mœurs politiques : la démission des maires…
Les politologues et autres sociologues devraient se pencher très sérieusement sur ce phénomène inédit, inconcevable il y’a à peine quelques mois. En étudiant ses causes et en évaluant ses conséquences, ils tireront à coup sur une conclusion sans appel : notre société a atteint le tournant décisif de sa maturité.
Le siège du maire était jusqu’aux dernières élections locales, le poste le plus convoité au point que n’importe quel maquignon se permettait de s’organiser une smala de dachra pour pouvoir y accéder en usant de tous les moyens de persuasion de l’électorat : corruption et gros sous, cousinage et copinage, régionalisme et tribalisme, fausses promesses, méchouis, abus de pouvoir, de droit et d’autorité… Les élections des maires donnaient toujours et en tous lieux l’occasion d’assister à des joutes ou se tenaient de véritables guéguerres locales et ou le coup de feu n’était pas toujours absent.
Et l’après élection se caractérisait très souvent par la scission en deux de toutes les communes et le règne des outsiders qui dictaient leur volonté en monnayant aux enchères publiques leur soutien à telle ou telle personne. Même les équipages monocolores que les états-majors des partis concevaient non sur le respect de leurs programmes ou la compétence des hommes mais sur d’autres critères et impératifs faits de saupoudrages équilibristes, d’injonctions tutélaires, de jeux de coulisses ou de faits du prince n’étaient pas exempts de mutineries mémorables tout au long du mandat. Et c’est ainsi que les maires se retrouvaient très souvent à gérer non pas les préoccupations des administrés mais les états d’âme des élus de leur assemblée car si les premiers étaient impuissants devant leur gabegie, ne pouvant que crier vainement leur ras le bol, les seconds avaient le pouvoir légal par un simple jeu d’alliance de les « dékoursiser »…
Le siège du maire est peut être le lieu le plus inconfortable pour un postérieur. Les gens ne s'y bousculent pas pour s'y prélasser car il a les ressorts usés. L'ambition est maladive et les ambitieux sont comme tout le monde le sait, sadomasochistes... On y vient pour se donner l'illusion de puissance ou pour se venger de ses frustrations ou pour ... damer le pion à l'adversaire ! On ne sait pas comment des hommes qui détestent leurs concitoyens dans la vie de tous les jours peuvent brusquement devenir des mécènes prêts à se sacrifier pour leur confort.
Mais ceux qui ont eu l'outrecuidance de postuler à cette lourde tâche qui consiste à satisfaire tout le monde et son père, c'est-à-dire ses Sujets et l'Etat doivent accepter de subir outre les assauts conjugués des deux parties, ceux encore plus pernicieux et plus décisifs des autres élus composant ces Assemblées qui prennent souvent la forme de camarillas...
Dans les conflits entre l’autorité Administrative et les Administrés, rares sont les maires qui prennent position pour les électeurs et on a vu des édiles qui devaient se trouver aux côtés des manifestants réclamant un désenclavement, une adduction en eau, un poteau électrique ou des dos d’ânes pour préserver la vie de leurs enfants, se « bunkeriser » dans leur bureau, faire les caporaux devant Walis et Chefs de Daira et requérir… les forces antiémeutes !
Dans la logique du « qui t’a fait roi », le maire doit craindre ses administrés autant sinon plus que l'autorité administrative et doit, en cas de conflit entre les deux parties, se ranger sans discussion du côté de ceux qui l'ont élu, pas de ceux qui l'ont installé... mais le Code Communal dans son ancienne version et certainement aussi dans sa nouvelle mouture offre à la population le soin de nommer et à l’administration celui de révoquer et dans ce cas, le maire n’a aucun choix que de se mettre à dos la population pour plaire à l’autorité… Pire, les maires finissent par se faire substituts de l'administration pour régenter, réprimer, bureaucratiser et non servants de la population pour l'assister, la protéger, lui permettre de libérer ses potentialités et ses initiatives en lui allégeant les procédures...
Il est aujourd'hui de première urgence de redéfinir ces questions liées à la représentation populaire pour ne plus avoir à subir ces élections par lesquelles on se retrouve face à des élus auxquels on donne pour mission de se mettre au service de l'administration et de sa bureaucratie... Il y'a des secrétaires généraux et autres administrateurs et responsables d’institutions et corps constitués désignés et payés pour ça et qui font déjà leur travail avec l’excès de zèle qu’on connait…
Les bouleversements sociopolitiques que nous vivons devraient imposer cette nouvelle approche de l’élu, n’en déplaise à tous les codes élaborés par l’administration plus pour préserver ses privilèges que pour garantir une réelle représentativité citoyenne…
Les démissions des maires sont déjà un signe avant-coureur de cette transformation salutaire des mentalités qui verra le responsable se faire choisir par ses électeurs afin de les servir et non s’imposer à eux pour se servir…
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