mercredi 15 juin 2011

NATIONALISME, PATRIOTISME ET MERCENARIAT

7 Avril 2011

La gestion très peu intelligente de l’engagement patriotique depuis les années 80 risque de mener le nationalisme vers des impasses dont le pays devrait regretter les effets pervers, pour toutes les générations à venir.

On a vu comment en 1962 les combattants de la libération étaient au préalable surnommés « anciens moukafihine » et par quelle acrobatie de la sémantique ils sont devenus « anciens moudjahidine » balayant d’un coup de foi l’idée de la guerre de libération pour l’inscrire dans celle de la guerre de religion, juste pour permettre la revanche des Ulémas qui avaient rejoint sur le tard Boudiaf, Bitat, Ben M’Hidi, Didouche, Ait Ahmed et Ben Boulaid pour ne citer que quelques illustres novembristes et exclure de manière sournoise Benzine, Hadj Ali, Maillot, Fanon et d’autres combattants qui voulaient libérer l’Algérie du joug colonial sans donner une connotation religieuse à leur combat…

Ce fut la première dérive par laquelle on a teinté en vert-foi une cause qui n’avait pas besoin de caution religieuse pour démontrer son opportunité, sa noblesse, sa justesse et son héroïsme…

Ce principe de combat pour la foi et non pour la terre et la liberté allait par la suite nous donner des drames d'une incommensurable ampleur, quand d'aucuns ont pensé (et pensent encore) que l'œuvre ne se terminerait que par l'instauration de la Charia...

Il est heureux que l’Etat Algérien naissant n’ait pas suivi certaines voix qui préconisaient un partage du butin entre les combattants victorieux au nom de la « ghanima » mais sut imposer le principe de « la révolution par le peuple et pour le peuple » et le slogan « un seul héro : le peuple », manière de bien montrer que la Révolution que d’aucuns voulaient élitiste était un mouvement populaire et manière aussi de démontrer à De Gaulle et aux détracteurs du FLN, présenté comme une bande de coupeurs de routes (fellaghas) qu’il était l’émanation de tout un peuple… Et même si les embusqués du 19 mars ont squatté la plupart des « biens vacants », régularisés presque au dinar symbolique dans cette autre dérive que constitua l’inénarrable opération « vente des biens de l’Etat » par laquelle ledit Etat devenu la proie des flibustiers organisa la rapine à grande échelle, vendant parfois des symboles de sa propre souveraineté… l’honneur de la Révolution et sa noblesse étaient saufs car tout le monde mit cette razzia sur le compte des opportunistes…

Une autre dérive consista à créer les associations dites de « la famille révolutionnaire »… L’idée aurait été éminemment noble si ces associations s’étaient confinées dans la méritoire mission d’écrire l’histoire de ces pères morts ou meurtris pour que vive l’Algérie mais hélas, c’est le quota de logements, deux petites catégories d’avancement, la retraite avant l’heure et autres petites préoccupations strictement vitales et très mesquines au regard de la symbolique qui les sous-tendait que ces associations ont défendues, ne réalisant pas qu’elles faisaient le jeu de toute une faune qui trouvait son compte dans la « matérialisation » d’une Révolution qui fut pour ses auteurs et ses acteurs tout sauf une recherche de privilèges d’ordre matériel… Comble de l’absurdité, on alla jusqu’à « dispenser » les fils de Chahids de l’accomplissement des obligations du Service National, faisant de cette grande école une sorte de corvée de bois réservée aux seuls fils du petit peuple. Ce fut la troisième dérive au terme de laquelle Chahid et Moudjahid se confondirent dans l’imaginaire populaire avec pensions, voitures, retraites et prêts bonifiés…

En rétribuant et récompensant le mérite nationaliste, l’Etat s’est fourvoyé dans la plus stupide et la plus dangereuse des enchères… faut il dès lors s’étonner de voir des gardes communaux mettre en avant leur « engagement » envers cet Etat pour exiger rétribution et faudrait-il s’étonner si demain les patriotes, armés pour défendre leurs villages et leurs familles oubliant toute la noblesse de leur réaction face au danger nihiliste d’hier viennent exiger la rançon sonnante et trébuchante de leur patriotisme ?

Que non !...

Quand on arrive à rétribuer l’engagement nationaliste, on ne crée pas le patriotisme, on instaure le mercenariat !

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