
Les assises nationales du commerce se poursuivent ce dimanche au Club des Pins… Durant deux jours des spécialistes… es-réunions se réunissent encore une fois dans une autre de ces messes que l’administration ankylosée par sa profusion de textes, de procédures, de balises et d’interdits s’organise pour (se) donner l’illusion du mouvement.
Les acteurs de ce conclave sont ces sempiternels invités de toutes les rencontres, aux mines affectées et à l’air pédant dont on n’a pas encore digéré l’apparition remarquée depuis quelques jours chez Bensalah puis à la tripartite.
Ils vont décortiquer le commerce avec un verbe recherché, une verve « postillonnante » et des arguments dont la préciosité et la technicité cacheront mal populisme et démagogie, pour nous offrir après deux jours de débats assidus, des résolutions et recommandations dont l’application restera comme d’habitude illusoire et les effets certainement nuls.
Il en est ainsi à chaque fois qu’on consulte les auteurs-victimes-acteurs-spectateurs de ces options politiques, économiques et sociales jetables qui nous font office de programmes. Des options que nous nous imposons avec des « eurêka » unanimistes enthousiastes pour en être les plus virulents pourfendeurs avant même que leur inanité soit prouvée, allant d’expérience en expérience, de structuration en restructuration, souvent selon l’humeur du cavalier du jour et non selon ce que préconisent les experts ou ce que nous enseignent les expériences réussies des autres.
Guidés plus par un besoin de légitimation que par un souci d’efficacité, nous faisons de la concertation une fin et non un moyen en considérant les galeries assidues comme nécessaires aux shows par lesquels nous nous efforçons de donner une preuve de « consensualité » à des faits du prince…
Entretemps le commerce illégal et l’informel, profitant autant de la rigidité et de l’inadaptabilité des lois que de l’état maladif du corps social et de la frilosité, de la mauvaise volonté, de l’incompétence, de l’impuissance ou de la complicité des institutions, s’est métastasé pour ne plus affecter seulement les segments traditionnels et habituels de la spéculation, de la corruption et de la contrefaçon. Il touche aujourd’hui des secteurs véhiculant les grandes valeurs morales de la société : des enseignants qui font commerce de cours dans des bouges privés au détriment des cours qu’ils sont sensés dispenser à l’école publique, des médecins qui émargent à l’hôpital le jour et « opèrent » de nuit dans les cliniques privées, des imams grassement payés par Ghoulamallah et qui n’hésitent pas à exiger rétribution pour officier mariages et cérémonies mortuaires, des avocats qui troquent leurs robes noires contre des tabliers de bouchers, des cache-poussières de maquignons ou des attachés-cases d’hommes d’affaires, des journalistes qui oublient Pulitzer pour se transformer en mercenaires de la plume…
Et c’est ainsi que, de proche en proche, l’acte commercial s’est propagé, imposant le principe du bas mercantilisme à la noblesse du service public, faisant de la carte d’artisan ou du permis de construire, de l’extrait de naissance S12 et du diplôme du bac des objets de spéculation au même titre que le kg de sucre, le bidon d’ huile ou la paire de bottes.
Les initiateurs des assises du Commerce n’ont pas avoué le but assigné à ces palabres. La mise en place d’une nouvelle vision des choses étant utopique, ils ont certainement pour arrière-pensée de renflouer l’arsenal législatif déjà existant et non de l’alléger, afin de juguler la déferlante informelle car comme toujours, la tentation de recourir aux textes de lois et à l’imposition de nouvelles formalités prédomine chez nos fondés de pouvoir qui croient dur comme fer, dans leur huis-clos, que « l’enfer c’est les autres »(1)…
Pourtant et sans sortir de l’Ecole de Commerce d’Alger, on peut envisager une autre approche du phénomène... Pourquoi considérer que l’informel qui « gangrène le commerce » est la preuve de pulsions « antisociales » perfides qu’il faut absolument réprimer pour revenir à l’orthodoxie du « commercialement correct » ?
Pourquoi ne pas considérer que c’est justement ce formalisme qui porte en lui-même les causes de son rejet et reconnaitre que si informel il y’a c’est surtout parce que la rigidité des mesures administratives d’organisation et de « domestication » n’a laissé aux commerçants de fait que l’alternative de la rébellion ?…
Et ainsi, au lieu de s’évertuer à corser l’acte de commercer par de nouvelles mesures administratives coercitives, pourquoi ne pas éliminer plutôt les formalités lourdes, excessives ou inadaptées en se disant que pour faire rendre gorge à « l’informel » il n’y’a pas meilleure solution que d’… étrangler les formalités !
En faisant passer la vitesse limitée sur autoroute à 120 km/h, on a pu sauver du délit d’excès de vitesse certainement plus de 80% des « délinquants » de la route… En le réduisant à 60 km/h on aurait fait de tous les usagers des hors la loi… Monsieur Benbada et les illustres personnalités qu’il a conviées à ses assises devraient s’inspirer de cette mesure en rédigeant les résolutions finales de ces assises…
Des assises qui gagneraient par ailleurs à laisser place à l’avenir à d’autres formes de consultation-concertation plus larges, plus fouillées, plus efficaces et plus résolument tournées vers la modernité, si elles étaient organisées sur le net sous forme de forums ouverts en permanence aux débats contradictoires plutôt qu’à travers ces bouffes qui sont difficiles, chères et ne rapportent pas gros et qui donnent une impression de déjà vu depuis 1962 si ce n’est le changement du portrait officiel du Président, accroché derrière les tribuns…
(1)- citation d’un acteur de la pièce théâtrale « huis-clos » de J.P.Sartre.
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