
15 Avril 2011
Le Président a enfin parlé.
Chacun ira de sa lecture…
D’aucuns ne retiendront de son discours que la forme et décortiqueront non pas les mots mais la gestuelle réduite et l’effort d’élocution de l’orateur pour prédire une fin de règne qu’ils n’arrêtent pas d’annoncer et peut-être d’espérer depuis le séjour du Président au Val de Grâce…
D’autres focaliseront sur l’absence de calendrier précis pour démontrer le caractère démagogique des promesses de réformes récurrentes du pouvoir qui ne se croit tenu de s’ébrouer que quand il se sent inondé par les revendications citoyennes…
D’autres encore scepticisme atavique des algériens aidant, ne liront dans ces nouveaux chantiers ouverts tous azimuts qu’une manœuvre dilatoire pour éteindre les feux d’une contestation qui ressemblent pourtant bien plus à des braseros de campeurs qu’aux flammes d’une révolte populaire…
Les inconditionnels du pouvoir-régime-système, eux, viendront parler encore une fois des « avancées historiques » que ce discours nous promet dans les domaines des libertés, aussi bien que du confort matériel…
En réalité, le discours du Président de la République n’a pas dérogé aux règles établies de tous les discours officiels :
· Un bilan élogieux des réalisations accomplies, sans même la bénédiction d’usage au Bon Dieu qui a permis ces performances ni les félicitations aux cadres et travailleurs qui en sont les artisans ni le clin d’œil à la providence ou à la géostratégie qui ont dopé le prix du baril… et bien sûr, la reconnaissance, la main sur le cœur qu’il y’eut quelques imperfections et quelques abus, inévitables comme de bien entendu et dont on aura, comme de bien entendu, tiré les leçons pour ne plus les voir se renouveler…
· Un programme ambitieux de nouvelles réalisations dans lequel on injectera autant qu’on pourra de milliards de Dinars pour réduire essentiellement les deux plaies béantes du logement et du chômage qui, touchant essentiellement la population juvénile, représentent des causes potentiellement déflagrantes…
· La réhabilitation de l’Entreprise en sa qualité de créatrice des richesses mais auquel le système hybride de l’ économie ne peut absolument permettre aucune expansion par la faiblesse des moyens octroyés , la lourdeur des impératifs règlementaires, les charges fiscales et parafiscales éprouvantes, la frilosité, la tétanisation et l’inadaptation des organismes financiers et bientôt, les répercussions dramatiques qu’elle devrait connaître devant la « méga-inflation » qui fera suite aux augmentations salariales souvent déraisonnables dont bénéficient les travailleurs administratifs qui émargent au trésor public suite à des mouvements de protestation qui s’avèrent bien plus rentables que les efforts physiques ou intellectuels…
· Un programme de réformes englobant toutes les questions liées à la bonne gouvernance : du mouvement associatif dont on découvre enfin les vertus après la décennie zerhounienne de lock-out total , inexplicable et inopportun sur les velléités de corporatisme ou les volontés de participation citoyenne, à la transparence des élections dont il ne faut surtout pas croire qu’un simple texte de loi peut réprimer les pulsions « démocracides » que des années de pratiques « bourratoires » ont ancrées dans des subconscients ; du Code de l’information qu’on veut dépénaliser en sachant déjà tout les torts dont se rendent coupables les hommes de l’information par les partis pris flagrants, l’inféodation au pouvoir de l’argent après leur libération du pouvoir politico-administratif, les abus gratuits auxquels le Président lui-même n’ échappe pas; de la liberté des médias lourds qu’on édulcore par la prise en charge des chaînes thématiques et non par la libération du champ télévisuel comme fut libéré pourtant avec beaucoup de bonheur malgré ses couacs, le champ de la presse écrite, à une énième constitution qui, pour satisfaire adversaires et tenants de la Constituante devrait être élaborée par des « experts » du droit constitutionnel et soumise à référendum… Sans parler de la réhabilitation de ces Partis Politiques qui n’arrêtent pas d’exiger une démocratisation que leurs inamovibles leaders bafouent dans la pratique quotidienne de tous leurs actes.
· Les exhortations d’usages à la discipline citoyenne, au bon usage des libertés de revendication et à déjouer les complots visant à insuffler le désespoir au peuple et à le faire douter de la pérennité et de la solidité son Pays…
Le Président qui a parlé en la circonstance hors de toute date commémorative ou événement marquant comme cela se faisait ne pouvait passer sous silence le fait conjoncturel qui a motivé son intervention, en l’occurrence la situation sociopolitique que vit le monde dit « Arabe »… Son allusion à cette situation dont tout le monde attendait à défaut d’une analyse, des prises de positions, fut lapidaire. Pour tout commentaire, le Président a réitéré sans envolées lyriques ni états d’âme les clichés habituels des principes de non ingérence dans les affaires d’autrui dont tout le monde sait le caractère très peu crédible aux yeux d’un monde que les interférences ont réduit à l’état de village planétaire…
Attendu avec impatience, espoir et appréhension, le discours de Monsieur le Président de la République, dont l’annonce surprise avait décuplé l’intérêt fut peut être riche en promesses, constituant en lui-même et incontestablement une promesse de refondation de la République. Mais il a manqué de cette emphase galvanisante qui caractérise habituellement les discours de crise et c’est peut-être là le premier signe du changement attendu : la fin de la gestuelle enragée, de l’emphase enflammée, des postillons et des coups de gueule et le début du règne de la pondération, de la sagesse et de la sereine exposition et discussion des faits… Le Peuple qui est appelé à jouer enfin le rôle moteur dans la mise en œuvre des chantiers des réformes annoncées attendra peut-être une première preuve de la bonne volonté de Monsieur le Président à conduire ces réformes à terme et sans tergiversations. Cette première preuve viendra de la désignation d’un nouveau gouvernement qui serait perméable aux idées de changement. Ce sera le meilleur gage de bonne volonté mais aussi de réussite de ce noble, ambitieux, inéluctable et salutaire programme.
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