17 Avril 2011
Comme un serpent qui se repose en se mordant la queue entre deux reptations, notre système de gouvernance qui atteint chaque dix ans les limites de sa logique s’arrête pour faire trois petits tours trois petits morts avant de reprendre sa marche.
La fièvre arabiste n’est pour rien dans la recomposition de notre paysage politique et ceux qui l’imputent à ce phénomène qui ne tire en réalité son origine que de la volonté occidentale de redessiner cette région pour des impératifs strictement énergétiques font preuve de cécité, de malhonnêteté ou d’opportunisme…
Ces soubresauts qui ont commencé avec le Soudan puis se sont propagés au Yémen et à la Libye après avoir transité juste pour « le galop d’entrainement » par la Tunisie ont une seule finalité : la dislocation. Ils obéissent comme d’habitude à la cadence dictée par ceux qui ont toujours divisé nos pays pour mieux en exploiter les richesses. Ces pratiques ne sont pas nouvelles, leurs acteurs sont connus, leurs méthodes et leurs objectifs aussi.
Il est vrai que la tentation est grande de faire de notre pays continent aussi une mosaïque de peuplades qui s auto-neutraliseraient et il est certain que les officines de l’ombre y travaillent avec l’aide des têtes de ponts qui ne font plus un secret de leur volonté…et si on évite de « lâcher les chiens » trop prématurément comme on l’a fait ailleurs, ce n’est absolument pas pour nos beaux yeux noirs mais par peur des conséquences que notre chute entrainera pour toutes les imbrications et les interdépendances énergétiques commerciales et sociales qui nous lient à nos voisins et partenaires d’outre-mer…
La stabilité de notre pays est vitale pour eux, car ils ne peuvent s’accommoder du moindre arrêt des pipes ni de la perte même momentané des débouchés que nous offrons à leurs marchés. Ils savent qu’ils doivent carburer à plein gaz car l’émergence de certains pays aux dents longues leur serait fatale en cas de réduction même limitée de leur régime…
Les forces marginales (laïcs et islamistes) qui croient venu le moment de terrasser la bête que représente pour eux le « pouvoir » semblent obnubilées par cette seule idée. Elles ne savent pas que leur équidistance de ce pouvoir est la seule garante de leur survie. Nous ne réinventerons pas la politique ! le pays sera toujours gouverné par un pouvoir plus ou moins conservateur mais de tendance nationaliste, sans couleur claire ni programme tranché et qui louvoiera nécessairement entre islam et laïcité, collectivisme et libéralisme… berbérisme et arabisme… ou ne sera pas !
Les islamistes et les démocrates, perfectionnistes jusqu'à l'utopie, jusqu'à la caricature, doivent retrouver leur nécessaire fonction, non pas de tenants directs du pouvoir ni même de prétendants sérieux mais de balanciers que ce même pouvoir doit obligatoirement courtiser, écouter, consulter, utiliser mais jamais porter pour garder ses équilibres.
Ces deux garde-fous qui se placent des deux côtés du chemin vont continuer à marcher en parallèle, à s'invectiver et à se lancer des anathèmes par dessus la tête du pouvoir et de son opposition " alternative " en prétendant défendre la liberté individuelle pour les laïcistes, et la justice sociale pour les islamistes.
La prise en sandwich du pouvoir (et de son opposition " alternative ") leur permettra de ne pas en venir directement aux mains et de faire pleuvoir sur lui leurs coups perdus, ce dont il s'accommodera car son étendue et son élasticité lui permettront d'amortir tous les coups.
La crise politique que nous traversons ne résulte pas en effet de la sympathie que les démocrates ou les islamistes accusent tour à tour le pouvoir (ou son opposition " alternative " ) de vouer à leurs adversaires déclarés, mais de l'antinomie et de l’exclusivisme pour ne pas dire « l'exclusionisme » qui sous-tendent la philosophie des deux tendances - non pas pour les forces du milieu qui composent le pouvoir et son opposition " alternative " mais pour les forces extrêmes dont, contrairement à eux, il réussit à s'accommoder.
Cette antinomie et cet « exclusionisme » sont si radicaux qu'ils ne pourront permettre à l'un ou à l'autre de se voir confier les rênes du pouvoir sans risque de faire exploser irrémédiablement le pays (c'est un peu ce que recherchent les sponsors étrangers si acharnés dans leurs exhortations aux uns et aux autres au point qu'il leur arrive d'encourager simultanément la furia des deux camps que tout oppose...)
Les intégristes laïcistes ou islamistes peuvent bien évoquer leur rôle de pompiers, les premiers pour avoir contrecarré le projet islamiste, les seconds pour avoir déjoué le projet " laïc "... ils n'ont fait que s'auto anéantir au profit de la douce (il faut l'espérer) bipolarité centrale qu'on retrouvera incarnée par le FFS et le FLN (le RND n’étant qu’un frère siamois si ce n’est un appendice du FLN), comme aux premiers jours de l'Algérie indépendante... En citant le FLN et le FFS, nous visons les deux tendances centristes presque juxtaposables, pas les sigles car ils ne veulent plus rien dire ni les programmes car ils n’existent que sous la forme d’un nébuleux populisme ni les hommes car ils sont dépassés par l’Histoire et trop impliqués pour conserver encore une quelconque crédibilité ou attractivité…
L'honnêteté intellectuelle devrait inciter les leaders des tendances ultras à reconnaître que c'est leur propre philosophie (ou pratique) exclusiviste qui est la cause de leur rejet vers les extrêmes où leur marge de manœuvre (ou de nuisance) sera confinée dans des limites supportables par la cohésion sociale...
Car la synthèse de deux vérités est plus crédible que deux vérités prises séparément... de surcroît quand elles sont irréductibles !
Il est aujourd'hui temps que ces deux tendances reprennent leurs places et leurs fonctions de balises.
Et ce n'est pas loin de là, un rôle mineur, dégradant ou infamant...
N'est-ce pas les balises qui préviennent les grands dérapages ?
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