
30 Avril 2011
La conjoncture marquée par l’agression occidentale directe contre la Libye et le forcing indirect contre la Syrie a été marquée par deux événements majeurs qui ont pris de court stratèges et analystes et dont les répercussions devraient avoir de grandes portées aussi bien sur le plan des pays ou ils se sont produits que de toute la sous région, la région et le monde. Il s’agit de l’attentat de Marrakech et de la réconciliation palestino palestinienne.
L’attentat de Marrakech qui continuera pour longtemps à entretenir spéculations et conjectures sur ses auteurs et leurs motivations ne peut que s’inscrire dans le cadre du complot – osons le mot - initié par les officines occultes qui ont actionné simultanément les leviers de la contestation de la rue arabe. Malgré ou à cause de toutes les précautions diplomatiques et médiatiques prises par la France Sarkozienne pour cadrer la contestation afin d’éviter une situation à la tunisienne au royaume dont elle cautionne toutes les politiques - alors qu’il ne fut jamais un parangon de vertu en matière de droits de l’homme dont elle se dit championne - le peuple marocain, entraîné par la dynamique insurrectionnelle a montré qu’il ne restera pas le parent pauvre de ces révoltes qui se veulent « révolution ». C’était suffisant pour affoler le roi et inquiéter Sarkozy. Le premier, certainement sur les conseils du second a très vite réagi par une sorte de concession « ultra petita » en ce sens qu’il a offert beaucoup plus que ce qui lui était réclamé… Mais la rue est gourmande et si hier elle avait réclamé des réformes de la monarchie sans remettre en cause ses fondements, il n’est pas certain que dans la surenchère qui caractérise les mouvements de masse qui ne reposent pas sur un programme précis et que ne commandent pas des tendances identifiables (même coalisées), il n’est pas dit que par cette surenchère elle n’exigera pas l’abolition de cette monarchie que ses concessions fragilisent bien plus qu’elles ne la confortent, à l’instar des autres régimes arabes dont la brusque « bonne volonté » n’est comprise par les contestataires que comme défauts dans la cuirasse, manœuvres dilatoires et signes d’affolement ou de début d’abdication.
Après son dernier discours, l’Occident, et surtout la France, ont accordé au Roi satisfécits et préjugés favorables qu’ils n’ont consentis ni à BenAli ni à Kaddafi ni à Salah ni à Moubarak ni à Assad dont les volontés de réforme sont interprétées sans nuance comme promesses mensongères et cynisme de dictateurs condamnés irrémissiblement par leurs peuples et par l’Histoire…
Ces préjugés favorables ont d’ailleurs toujours caractérisé les sentiments de l’Occident et particulièrement de la France envers les monarques de Rabat ; la France qui ne cache même pas pour la forme, ses sympathies toujours franches et actives pour le Maroc est ses rois, en n’hésitant pas à aider ses « services » à noyauter et trucider les opposants (cf l’affaire Ben Barka), et à mobiliser sa diplomatie pour cautionner leurs choix stratégiques, comme en témoigne son soutien inconditionnel aux options marocaines dans l’affaire de décolonisation du Sahara Occidental, applaudissant presque sa marche verte, ne soufflant mot sur les atteintes aux droits de l’homme dont l’affaire Aminatou Haidar en fut un parfait exemple, et approuvant sans réserves le plan qu’il préconise, non pas pour la résolution du conflit mais pour le fait accompli de sa mainmise sur cette dernière colonie du continent.
Il faut admettre que la France mise gros sur le Maroc et son régime politique et les raisons ne sont pas d’ordre purement géostratégique mais reposent essentiellement sur l’aspect économique puisque les échanges entre les deux pays dépassent en importations et exportations tout ce qui se fait avec le reste du monde arabe si on exclue le pétrole. Mais le Maroc c’est aussi la note arabe la plus tolérante envers Israël; et l’hexagone qui n’a jamais caché sa totale inféodation aux thèses sionistes croit de son devoir de préserver cet atout qu’un autre régime que la monarchie alaouite risque de remettre radicalement en cause… et puis, les amitiés alaouites pour la France ne datent pas d’hier… Ne dit-on pas que c’est le général Lyautey qui installa la monarchie au Maroc après que la France l’ait perdue chez elle… et le Sultan Hafid, digne ascendant du Roi ne disait-il pas : « le plus français des Marocains, c’est moi ! » et n’avouait-il pas : "c’est à l'occupation que je dois mon trône et ma vie" avant de concéder le 12 avril 1912 son royaume à la France, « moyennant le versement comptant et en espèce d’un montant de quatre millions de francs. » (source : http://rami.tv/fr/alaouites) … C’est dire que la France qui s’est jetée avec hargne sur Kaddafi et qui aurait aimé « fournir des armes adéquates à la police tunisienne pour mater la rébellion » avant de se raviser et de caresser dans le sens du poil l’opposition tunisienne victorieuse en sacrifiant Michèle Alliot-Marie en signe de repentance, la France qui se permet de donner des conseils à une Algérie qui ne lui a rien demandé, cette France, si elle n’est pas l’inspiratrice de l’acte innommable de Marrakech, opération idéale pour désamorcer les crises en latence, en est quelque part responsable, par son ingérence dans les affaires du royaume… même si elle présente par la nationalité de la plupart des morts et blessés, le profil de la victime… Et La France est capable de commettre pareils coups fourrés sans en rougir, rappelez-vous le 10 juillet 1985 et l’affaire du Rainbow Warrior…
Le second événement qui s’inscrit lui aussi assurément comme épisode de ce qu’on nomme « printemps arabe » et qui n’est peut-être qu’un regain d’automne, c’est cette brusque bouffée de bonne entente qui a étreint Fatah et Hamas, les conduisant à se réconcilier après des années de brouille savamment entretenue par Israël et ses protecteurs inconditionnels…
Il est presque certain que l’agression à Alger du représentant de Ramallah qu’on a attribué à des activistes liés à Dahlane est venue essayer de perturber ces retrouvailles et il faut craindre dans les jours à venir d’autres montages tragiques de ce genre que fomenteront tous ceux que cette convergence dérange…
Il faut aussi s’attendre à des développements importants er rapides de la situation au Proche Orient ; et le retour à la guerre n’est pas à exclure, même si Israël y regardera à deux fois avant de lancer une quelconque action qui risquerait de rappeler aux masses arabes en effervescence contre les pouvoirs qui les oppressent que leur véritable ennemi c’est cette entité belliqueuse qui les a légitimés au prétexte de « péril patent », et à laquelle ils doivent paradoxalement leur survie et leur longévité… Quand on peut réduire l’ennemi en faisant l’économie d’une guerre, il est malvenu de ne pas en profiter et ces révoltes et leur répression ne sont elles pas en train d’accomplir une œuvre de destruction bien plus efficace que celles des Mirages, Phantoms, Tomahawks et Merkava car si les derniers détruisent les tissus infrastructurels, les premières détruisent aussi les tissus sociaux…
Et puis, nul n’est dupe !... si le Hamas a daigné accepter de reprendre langue avec le Fatah c’est surtout parce que le puissant soutien dont il jouissait auprès de la Syrie était devenu aléatoire, le régime alaouite ombrageux qui faisait front avec l’Iran et le Hezbollah vivant ses derniers jours, du moins en système monolithique…
Le point de passage de Rafah devrait selon les nouveaux maîtres de la décision en Egypte être ouvert aux palestiniens, le Hamas et le Fatah enterrent la hache de guerre… C’est dire que les bouilloires des apprentis-sorciers peuvent parfois déborder pour brûler ceux qui s’échinent à y préparer leurs ratas…
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