mercredi 15 juin 2011

L’AUTONOMIE DE LA KABYLIE OU L’ART DE DEVOYER LE COMBAT POUR LA DEMOCRATIE ET L’AMAZIGHIT


21 Avril 2011

On se perd de deux manières : par dilution dans l’universel ou par ségrégation murée dans le particulier.

Aimée Césaire

La France qui a occupé l'Algérie a exacerbé les clivages ethniques au nom du principe "diviser pour régner". Elle a "assimilé" les Juifs puis elle a fait un forcing sur une partie des berbères vivant dans les montagnes de Kabylie où des tentatives de dépersonnalisation ont été menées à grande échelle. Aujourd'hui, c'est dans cette région qu'on rencontre les plus virulents pourfendeurs de l'arabophonie qui en sont naturellement arrivés à l'assimiler à l'arabité, et paradoxalement, c’est aussi en ces lieux que l’ Islam traditionnel s’est le plus fermement implanté, fournissant au pays des érudits arabophones de renom qui, pour mieux revendiquer leur identité se sont donnés les noms de leurs tribus (El Djerroumi ; El Mecheddali…). C’est aussi d’ici que sont originaires bien des hommes de culte et de culture de l’après-indépendance : Mouloud Kassem, le Dr Chibane, le Pr Stambouli etc…

Pourtant, la berbérité de l'Algérie que par des raccourcis récurrents on cherche à river à la seule Kabylie ne se situe pas seulement dans cette région; elle est présente chez les Chaouias, les Ch'naouas, les Ibadites, les Touaregs etc…

Usant d'un raisonnement réducteur, certains "kabyles" occidentalisés par la force des choses, se sont découverts des passions identaristes provenant de considérations plus arabophobes que Berberophiles… et très souvent de coupables exhortations et encouragements externes bien plus que de nobles et innocentes pulsions internes.

Personne ne peut aujourd'hui jurer de sa race dans ce pays… et certains Berbères sont des arabophones parfaits quand certains Arabes sont devenus des Berbérophones encore plus parfaits… C'est dire qu'il faut plutôt parler de "Berberophonie" que de Berbérité et d’arabophonie que d’arabité…

Il est vrai qu'à l'indépendance, la recherche d'une émancipation par rapport au colonialisme a poussé certains à doter l'Algérien d'une personnalité qui devait se distinguer coûte que coûte de celle du français et, de peur de voir surgir un tribalisme qu'on savait latent, on a tout fait pour créer ou imposer un moule identitaire susceptible de réunir toutes les spécificités culturelles ou raciales…

Ce moule était tout trouvé. Usant d'un raisonnement très simpliste, on a assimilé la religion dominante à la langue qui l'a véhiculée et de "Musulmans", on a très vite trouvé le raccourci pour arriver à "Arabes"…

Les résistances berbéristes sont à l'évidence des réactions face à l'hégémonisme arabiste… et tant que les arabisants (très peu futés) n'arrêteront pas leur imbécile volonté de nivellement culturel et cultuel, les Berbéristes continueront à trouver dans la Berbérité un fonds de commerce juteux et un moyen de mobiliser les gens pour combattre (très souvent) l'"Arabe" sous prétexte de défendre le "Berbère"…

Et si aujourd'hui on parle de "christianisation" en Kabylie, c'est surtout parce qu'on continue à amalgamer arabité et islam comme l'ont voulu les "arabistes" et les « islamistes ». . On se dit que combattre l'arabe c'est combattre l'Islam et pour combattre une religion, on lui oppose une autre religion... notre ami Ferhat Mehenni qui prend maintenant à témoin le judaïsme et le christianisme pour pourfendre l'Islam au prétexte d’émancipation des kabyles du joug arabe ne fait pas plus que s'enliser dans ce combat raciste qu'il présente comme une nouvelle guerre de libération... Ses contre-arguments sont l'exacte réplique des arguments de ceux à qui il reproche la pseudo négation de son identité et dans ce combat Don Quichottesque il ne diffère en rien des cavaliers indignes qui montent les chevaux de l'apocalypse de la division et de la « fitna », imbus de suffisance assassine et qui se croient détenteurs exclusifs de la légitimité politique, historique, linguistique ou raciale, ne se préoccupant jamais de penser un seul instant à la vanité de la prétention d'absoluité qu'ils impriment à leur cause quand celle-ci n'est que relative facette d'une vérité dont la diversité fait la richesse.

Ceux là ne peuvent concevoir les rapports avec autrui que de manière conflictuelle et, pour entretenir la mobilisation de leurs zélés fans, ils n'arrêtent pas, dans une surenchère endiablée de s'inventer les périls en se montrant mutuellement du doigt.

Ces révolutionnaires de l’amputation qui s'opposent aux confluences s'alimentent en réalité réciproquement de leurs conneries (c'est le terme le plus juste que j'ai pu trouver).

Le plus pathétique et le plus tragique dans ces tentatives forcées de division d’un peuple que tout unit, c’est la réaction de nos intellectuels, tétanisés par le diktat des politiques, les vociférations des foules ou le yatagan des rédempteurs, qui se murent dans un silence confortable ou s'engagent dans les causes perfidement réductrices en vendant parfois leurs âmes aux chapelles alors que leur rôle consiste à libérer le peuple de leur néfaste influence...

Il faut espérer que l’ouverture démocratique les incitera à investir les espaces publics squattés par les apprentis-sorciers, les affairistes et les charlatans pour que la société développe ses résistances qui feront d'elle un rassemblement humain, basé sur la raison de ses membres, et non un regroupement animal, obéissant à l'instinct, aux réflexes pavloviens, aux grelots des boucs et aux bâtons des bergers...

Mais au risque de générer les quolibets de ceux qui n’hésitent pas à conjuguer le verbe ourdir à tous les temps de la dérision, il nous faut reconnaître que si le berbérisme est une résultante de la tyrannie arabiste, le kabylisme qui en est la caricature peut, comme l’islamisme, découler de scénarii qui n’émanent pas d’un quelconque reflexe d’auto-défense mais de véritables complots dont la trame est tissée dans les officines de pays qui n’éprouvent de sympathie ni pour l’arabe ni pour le berbère mais qui agissent pour d’autres intérêts fondamentalement contraires à ceux de ces frères dont on veut faire des ennemis…

Il n’est pas besoin de trop réfléchir pour déterminer ces pays ; il suffit d’identifier à qui profitent les crimes de ces Etats qu’on disloque pour des pseudo-causes raciales, culturelles, religieuses ou politique pour se convaincre de l’identité des tireurs de ficelles de ces marionnettes qu’on agite quand arrive leur tour d’entrer en scène dans ce théâtre de l’absurde ou on nous a condamnés à jouer notre propre tragédie…

Les "kabyles" ne sont pas une race à part... c'est une partie du grand peuple berbère dont l'habitat s'étend des Iles Canaries aux confins de l'Afrique Noire... distinguer le "kabyle" de ses frères de race et de civilisation est très pernicieux... ils n’ont absolument rien de spécial par rapport aux autres berbères... et leur culture, comme toutes les cultures ne doit pas être concentrée dans le seul "parler" car elle est aussi vestimentaire, culinaire, chorégraphique, architecturale etc... Sous-entendre par ailleurs que les kabyles ne sont pas au pouvoir en Algérie, c'est proférer une énormité... Il suffit de voir la proportion de ministres, de préfets, de sous préfets, d'officiers, de cadres de l'administration et des sociétés etc… berbères et particulièrement kabyles pour comprendre que Monsieur Ouyahia le premier ministre récurrent n'est pas un kabyle isolé dans un magma d'arabes emburnoussés dans l'équipage qui gère comme il peut l'embarcation qui bat pavillon Algérien...

Et de grâce, qu’on arrête de regarder un rétroviseur que l'Histoire a brisé... A supposer que toutes tes élucubrations sur l'origine des peuples soient justes, il faut se dire que quand une page de l'histoire est tournée, les gens sensés n'essaient même pas de nager à contre courant pour la remettre d'actualité... sinon il faudrait que les descendants de Sitting Bull déterrent la hache de guerre pour reprendre leur terre usurpée par les descendants de Custer... et reconnaitre aussi et surtout que la spoliation de la Palestine par le sionisme au nom du retour à la terre promise est légitime… CQFD

En vérité, la démocratisation du pays aussi bien que la reconnaissance de son amazighité dont M. Ferhat s’est fait le chantre ne peuvent connaître pires perversions que ces extrêmes vers lesquels il les mène et c’est peut-être pourquoi, avec le temps, il s’est retrouvé seul à plaider la cause de l’autonomie que même ses plus proches « parents politiques » refusent de cautionner, du moins dans les contours qu’il lui donne et dans les sponsors qu’il mobilise et le moment qu’il choisit…

2 commentaires:

  1. Et de grâce, qu’on arrête de regarder un rétroviseur que l'Histoire a brisé...Je suis entièrement d'accord avec votre lecture de l'histoire Monsieur! Vous étés nés Français allez donc revendiquer votre citoyenneté et défendez votre Palestine avec vous aurez plus de chance de réussir! Ferhat n'a pas de leçons a recevoir sur le patriotisme , le militantisme, la liberté d'opinion et encore moins d’aliénation de ceux qui ne se rappelle meme pas de leur histoire la plus récente!

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  2. J'apprécie l'effort d'objectivité de l'auteur de cet article. Mais quelques remarques s'imposent:
    1- Si la France a usé du principe de "diviser pour régner" avant l'indépendance (et en use toujours), force est de constater qu'après l'indépendance, le pouvoir a continué avec la même tactique : isoler la Kabylie pour en faire un bouc émissaire, « l’ennemi intérieur » contre lequel on soude les autres régions d'Algérie, pour construire «l’unité nationale » ( !). Bien entendu, il fallait veiller à un "équilibre régional » en accordant des places de technocrates à des Kabyles acquis à la cause).
    2- « À qui profite le crime » ? Si on a toujours invoqué la « main étrangère » (sous entendu : la France) pour contrer les militants de la langue et de la culture amazighes, on oublie que la politique « arabiste » a été imposée par « une main étrangère », en l’occurrence l’Égypte, dont l’ambition était de construire une « ouma arabe » qu’elle dirigerait, avec Djamal Abdenacer. L’Égypte avait commencé à mettre sous sa coupe la Syrie et l’Irak dans le cadre de la RAU (République Arabe Unie), union éphémère, dissoute à cause de la volonté de leadership, justement ; Djamal Abdenacer rêvait de continuer avec l’Afrique du Nord. Mais on se garde bien d’insister sur cela, au nom d’une « fraternité arabe »… tout en reniant la « fraternité berbère ».
    3- A présent, avec le recul, on se demande pourquoi l’évocation même du fait amazighe a toujours provoqué des réactions violentes, déjà avec Messali, puis avec le groupe de Ben Bella. Pourquoi éliminer Laïmèche, Abane, Amirouche , etc. au lieu d’un dialogue « fraternel » ? Pourquoi avoir interdit tout document qui parle de la langue ou de la culture amazighes avant 1980 ? En quoi une conférence sur les poèmes kabyles anciens constitue-t-elle une « atteinte à la sécurité de l’Etat » ? Une fois l’amazighité « tolérée », a-t-elle provoqué la déchirure tant redoutée ? sur Toutes ces questions, les décideurs ont-ils jamais demandé l’avis du peuple (y compris à la partie considérée comme « arabe »)?
    Conclusion : La révolution, puis l’indépendance ont été confisquées par des clans, au nom du peuple mais jamais avec le consentement du peuple, ni dans son intérêt. Tant que le peuple ne se réappropriera pas sa liberté, la règle de « diviser pour régner » sera toujours utilisée !

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