
La contestation sociale, en cette dernière décade du Ramadhan s’est brutalement emballée et les correspondants locaux de la presse qui ont trouvé de quoi meubler leurs piges rapportent presque avec délectation ces mouvements de foules sans s’embarrasser, dans tous les cas, de leur trouver légitimité et opportunité…
Il est indéniable que la quête de l’eau soit légitime, que la recherche du travail soit légitime, que le refus du népotisme soit légitime, que la revendication d’une meilleure couverture sanitaire soit légitime, que le ramassage des ordures soit un souci légitime de la population… mais qu’on crée dans chaque pâté de maisons un groupe d’insurgés brandissant une plateforme de revendications « légitimes » pour venir exiger sans aucun préavis, seulement parce que « ça nous chante », qu’elle soit satisfaite inconditionnellement, entièrement et immédiatement faute de quoi on ferme les institutions publiques et les routes du pays, cela ne s’appelle plus « mouvement revendicatif », les anciens décrivaient ces exigences d’enfants gâtés par une expression pas très propre mais tout de même très expressive : « Foulti walla n’boul fel kanoun » (ma fève ou j’urine dans l’âtre !)…
Ici il ne s’agit plus d’éteindre le feu sur lequel se chauffaient les personnages de l’histoire qui a donné naissance à cette expression mais d’embraser l’histoire et les hommes avec elle, juste parce que des caïds de quartiers veulent montrer qu’ils ont du biceps…
La contestation tous azimuts qui nous tient lieu dorénavant de programme a fabriqué des algériens qui croient que le seul moyen de s’arroger ses droits, consiste à les arracher par l’épreuve de force. Entre les citoyens armés de leurs pneus et le pouvoir armé d’une matraque trop molle pour être dissuasive, il n’existe plus aucune zone tampon… Les associations trop croupions pour être crédibles végètent et ne se réveillent, comme les oisillons nus, que pour ouvrir grand le bec afin de phagocyter les subventions… les partis politiques dont il ne reste que des leaders verbeux et des états-majors soumis attendent les élections pour distribuer les cartes d’accès aux postes d’élus– distributeurs de rente, beaucoup mieux rétribués et moins risqués que ceux des créateurs de richesses qui sont devenus les parents pauvres de cette République soumise au diktat des groupes de pression… Pour ne s’aliéner le soutien ni des habitants de la bourgade décidés à fermer l’APC ni de ceux du chef lieu décidés à les en empêcher, ces partis font dans un équilibrisme social qui aurait été loufoque sans cette impression d’immense carnaval fi dachra qui nous sert de spectacle depuis que nous avons découvert ce « revendicalisme » débridé dans lequel se sont engouffrés avec une morbide délectation de preux révoltés du pneu et des routes coupées qui font les matamores masqués devant les citoyens innocents et impuissants.
Moins drôles que le personnage de la fable qui menaçait d’éteindre le feu de l’âtre s’il n’avait pas sa fève ces derniers se croient capables d’en faire les brasiers parce qu’on leur fait croire dans les manchettes des journaux qu’ils vomissent du feu…
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