
D’aucuns
ironiseront bien sûr en rappelant que le verbe « ourdir » est une
pure invention des « complotistes » pour dénoncer des complots qu’ils
fomentent eux-mêmes ou qui n’existent que par leur volonté de recherche du bouc
émissaire sur lequel essuyer les couteaux de leurs forfaitures … C’est de bonne
guerre !
Des
affaires éléphantesques échappent pourtant inexplicablement durant toute leur
période de maturation puis d’exécution à la perspicacité des sentinelles
légales, des partis politiques, des médias d’ici et d’ailleurs, des analystes
et autres experts qui ne s’en rendent compte à l’unisson, comme si le la était
donné par un maître d’orchestre de l’ombre, qu’après que le mal ait été fait et
que ses acteurs aient été éjectés du pouvoir et se soient mis hors de portée du
droit.
C’est alors la curée !
Tout
ce beau monde s’indigne, ironise, condamne, analyse, prédit, extrapole,
généralise, oubliant les pleutres silences complices et très souvent rétribués
d’hier ou les tonitruantes approbations appuyées par des appréciations parfois
si technicistes qu’elles feraient pâlir de jalousie Ziegler et Sarkis réunis…
Mais
le point commun remarquable à toutes ces levées de boucliers simultanées qui
font un boucan endiablé, c’est leur focalisation sur les chiffres plutôt que
sur les actes ; un peu comme si le crime de corruption n’était pas en
lui-même condamnable, mais seulement en regard du préjudice financier causé au
trésor public et aux deniers de l’Etat quand personne ne se soucie de toutes
les autres formes de gabegies qui malmènent ce « trésor » et ces
deniers livrés à la prédation et à la mauvaise gouvernance.
Il
y’a comme une corruption de l’idée même de corruption qui a fini par la
dédouaner de l’aspect immoral qui la caractérise quelle que soit son envergure
et les sommes qu’elle brasse, pour
confiner son ignominie dans la seule qualité de son auteur et surtout, dans le
« volume » de son pot de vin.
La
corruption est une perversion très grave de l’acte de gouverner. Qu’elle
concerne le préposé à l’état-civil qui monnaie l’établissement d’un extrait de
naissance, le juge qui s’entend avec un avocat moyennant commission sur un
verdict de clémence pour un prévenu, l’enseignant qui use de générosité mal à
propos pour présenter un cancre comme un génie, l’homme en uniforme qui
s’abstient de verbaliser s’il se fait arroser, le douanier qui ferme l’œil pour
recevoir ses dessous de table, le médecin qui reçoit le patient dans sa blouse
publique et l’opère dans sa blouse privée, l’entrepreneur qui décroche son
marché en gratifiant le maire d’une part des bénéfices attendus, le vétérinaire
qui appose son cachet sur une viande douteuse contre une enveloppe garnie, le
banquier qui n’accorde un financement que s’il en prélève une généreuse
contrepartie, le wali qui se fait émir
des croyants et fait de sa Wilaya un makhzen, ou le ministre qui use de son
autorité pour gonfler ses comptes en banque d’outre-mer et entretenir son ranch
du Texas.
La
corruption qui régit aujourd’hui en maîtresse absolue la moindre relation
d’administrateur à administré, de contrôleur à contrôlé, de dirigeant à dirigé,
de vérificateur à vérifié, est une preuve très grave de la déliquescence
générale de nos valeurs avant que d’être une source de problèmes pour notre
trésor public; c’est sous cet angle qu’il faut absolument regarder ce phénomène
destructeur de sociétés et non sous l’aspect pécuniaire car si l’argent se
récupère ou se perd sans grosses conséquences quand il prend des chemins
détournés, c’est l’honneur qui s’obère irrémédiablement quand il se fait
monnayer !
Alors,
de grâce Messieurs les faiseurs d’opinions, axez vos réquisitoires sur la
perfidie des corrompus, pas sur ce qu’ils ont engrangé… sur la morale bafouée
et non sur le trésor floué… sur l’honneur perdu des flibustiers, non sur la
consistance de leurs rapines…
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